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Le point sur la responsabilité du mandataire social

06/07/2023

Droit et Gestion

Chaque année, plus de 4 500 mandataires voient leur responsabilité engagée. Aucun statut d’entreprise ne permet de les protéger en cas de fautes pouvant leur être personnellement imputées. Il est donc primordial de connaître les contours de cette responsabilité et de bien s’entourer au moment de la rédaction des statuts de la société.

Le mandat social se définit comme le pouvoir de représentation, de direction et de gestion de la société vis-à-vis des tiers. Le mandataire social intervient pour le compte de la société, au nom de laquelle il est habilité à agir pour les associés qui les nomment.
Il doit agir conformément à l’objet social de la société. Ainsi par exemple, la vente d’un immeuble détenu par une SCI a été annulée (Cass. Com., 23 octobre 2013, n°12-22720), pour dépassement de l’objet social. En effet, les statuts de précisaient pas la capacité de la société à vendre les immeubles.
Le mandataire social doit aussi se conformer à l’intérêt social de la société. L’article 1833, alinéa 2 du code civil, modifié par la loi Pacte de 2019, précise que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Le dirigeant est ainsi incité à la réflexion sur les conséquences environnementales de l’activité. Or, celui-ci n’a pas toujours la même finalité que l’objet social. L’objet social est l’activité exercée par la société, opposable aux tiers qui peuvent s’en prévaloir. L’intérêt social est l’utilité, pour la société, d’un acte par rapport au bénéfice qu’elle peut en tirer. Et le second supplante le premier. Autrement dit, un acte du gérant, même conforme à l’objet social, peut entraîner la responsabilité de ce dernier vis-à-vis des associés s’il n’est pas conforme à l’intérêt de la société. Or, « l’atteinte à l’intérêt social de sa société est une cause légitime de révocation des fonctions de gérant », rappelle la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 27 juin 2019, n°18-16861). Les conséquences peuvent aller bien au-delà. Il est donc primordial de bien rédiger l’objet social sans omettre de définir l’intérêt social de l’entreprise.

1 - La gérance d’une société civile

Le gérant d’une société civile engage la société auprès des tiers. En l’absence de gérant, tout intéressé (créancier, client, associé, salarié, etc.) peut demander en justice la dissolution de la société si la situation n’a pas été régularisée dans un délai d’un an (avec un aménagement pour l’EARL, dont la gérance peut être assurée par un associé non-exploitant durant cette période).
A l’égard des associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société. A l’égard des tiers, il dispose des pouvoirs les plus étendus et engage la société dans tous les actes qui entrent dans le cadre de son objet. Cependant, il peut prendre, des décisions excédant ses pouvoirs, sur décision unanime des associés. Inversement, ses pouvoirs peuvent être limités en lui faisant obligation de n’agir qu’après décision prise par les associés à une majorité déterminée.
Pour un acte excédant l’objet social, cet acte est nul dans une société à responsabilité illimitée. En revanche, dans une société à responsabilité limitée, celle-ci est engagée par l’acte, même si l’intérêt social est contrarié.
Dans les rapports avec les associés, le gérant est personnellement responsable des infractions et fautes qu’il commet. Et ses décisions peuvent entraîner la nullité de l’acte, un risque en matière de protection sociale ou encore, une non prise en charge d’un sinistre par l’assurance.
> La rémunération du gérant d’une société civile est, soit prévue dans les statuts, soit décidée dans le cadre d’une décision collective annuelle des associés. Il convient de prévoir le montant de la rémunération, le mode de calcul et la date de versement. En l’absence de convention spécifique portant sur la rémunération du gérant, celui-ci exerce ses fonctions gratuitement.
> Les modalités de révocation sont différentes selon les conditions de sa nomination. S’il est désigné dans les statuts, la majorité nécessaire à sa révocation est celle prévue pour les décisions extraordinaires. S’il est désigné par décision des associés, la majorité simple suffit. Dans les deux cas, le gérant peut participer au vote et sa révocation doit être motivée sous peine de dommages et intérêts. Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant, tout associé peut réunir les associés ou, à défaut, demander au président du tribunal statuant sur requête la désignation d'un mandataire chargé de le faire, à seule fin de nommer un ou plusieurs gérants. Avant la loi Pacte, le recours au tribunal était inévitable.
> Pour la MSA, le fait, pour un associé, d’assurer la gestion d’une société entraîne une présomption de participation aux travaux indépendamment du temps de présence. La jurisprudence est constante sur ce point, et ce, même en l’absence d'une rémunération. C’est le régime Amexa qui s’applique pour les membres d’une société participant de façon effective (à des tâches administratives ou techniques) en qualité de non-salarié aux travaux de l’exploitation. A l’inverse, pour être assujetti en tant que salarié agricole, le gérant doit se trouver dans un lien de subordination à l’égard de la société et percevoir une rémunération constituant un véritable salaire, distinct des droits au résultat attribués aux associés. Compte tenu de cette règle, en EARL et en Gaec, le gérant est non-salarié agricole. Dans les sociétés civiles de droit commun, il peut être salarié et même gérant non-associé.
Il est également admis que le gérant d’une EARL ou d’un Gaec doit être rémunéré. Il est même mentionné que la perception de la rémunération ne peut être inférieure au Smic. Dans une affaire jugée en 1997, dans une EARL entre époux, le mari, seul associé exploitant, était bénéficiaire d’une faible rémunération versée par la société au titre de sa participation au travail. Ce qu’a contesté la MSA. Le tribunal des affaires sociales de Rouen lui a donné raison, rappelant que le Smic doit être apprécié en tant que montant forfaitaire et non en fonction d’un nombre d’heures correspondant à un travail effectif. La rémunération du travail attribuée à un associé ne pouvait donc être retenue pour un montant inférieur à cette valeur forfaitaire. éant, à la révocation du gérant unique et, dans tous les cas, à la désignation d’un ou de plusieurs gérants.

2 - La gérance d’une SNC

Tous les associés d’une SNC sont gérants, associés ou non, sauf stipulation contraire des statuts. L’appréciation de leur responsabilité est différente selon les cas. Vis-à-vis des tiers, le gérant engage la société pour tous les actes entrant dans le cadre de l’objet social. Toute clause statutaire qui limiterait ses pouvoirs leur est inopposable. Vis-à-vis de la société, le gérant engage sa responsabilité personnelle pour toute infraction législative, réglementaire ou statutaire.
> Un gérant est révoqué dans les conditions prévues par les statuts, ou à défaut, par une décision des autres associés – gérants ou non – prise à l’unanimité. Une difficulté peut apparaître quand la SNC est composée seulement de deux associés. Cette difficulté se retrouve dans toutes les sociétés à deux associés.

3 - La gérance d’une SARL

Dans une SARL, le nombre de gérants est fixé librement par les associés. Mais ce doit obligatoirement être une personne physique, choisie parmi les associés ou en dehors de la société. Comme dans toute société, le gérant possède des pouvoirs plus ou moins étendus selon les dispositions statutaires. Il peut accomplir tous les actes qui se rattachent à l’objet de la société et dans l’intérêt de cette dernière. Les associés peuvent restreindre ses pouvoirs par une disposition statutaire, par exemple pour une demande d’emprunts ou la constitution d’hypothèque sur des biens appartenant à la société. Toutefois, vis-à-vis des tiers, le gérant représente la société en toutes circonstances et est investi des pouvoirs les plus étendus.
> En cas de pluralité de gérants, chacun est personnellement responsable des fautes commises. Toutefois, dans une décision récente, la Cour de cassation a considéré que la pluralité de gérants n’empêche pas que leur responsabilité soit engagée de manière individuelle (Cass. com., 25 janvier 2023, n°21-15772).
> La révocation du gérant doit émaner d’une décision collective des associés, prise à la majorité simple sauf disposition contraire des statuts. Le gérant associé peut participer au vote même s’il est majoritaire (possibilité d’une révocation judiciaire ultérieure) et doit être motivée sous peine de dommages et intérêts. L’article L. 223-27 du code de commerce précise dorénavant que, si la société se trouve dépourvue de gérant ou si le gérant unique est placé en tutelle, le commissaire aux comptes ou tout associé peut convoquer l’assemblée des associés à seule fin de procéder, le cas échéant, à la révocation du gérant unique et, dans tous les cas, à la désignation d’un ou de plusieurs gérants.
> La responsabilité civile (distribution de dividendes fictifs, absence de tenue des assemblées d’associés, violation des statuts, présence de comptes associés débiteurs…), pénale (mauvaise gestion, défaut de publication des comptes, abus de pouvoir…) et fiscale (manœuvres frauduleuses vis-à-vis du fisc) du gérant peut être engagée. Pour la responsabilité pénale, les sanctions peuvent atteindre 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende. Il engage aussi sa responsabilité si les capitaux propres de la SARL deviennent inférieurs à la moitié du capital social. Un véritable piège pour les SARL à faible montant du capital qui risquent la dissolution anticipée !
> Si la SARL relève du régime agricole, les dirigeants sont assujettis aux assurances sociales agricoles, s’ils sont minoritaires ou égalitaires et à l’Amexa s’ils sont majoritaires ou font partie d’un collège de gérance majoritaire.
> La rémunération est différente selon que les gérants sont minoritaires ou majoritaires. S’ils possèdent, ensemble, moins de la moitié des parts sociales, ils doivent percevoir une véritable rémunération même si celle-ci est faible compte tenu des faibles résultats économiques sans pour autant être dérisoire. Celle-ci servira d’assiette pour la détermination des cotisations appelées. Tout dépend aussi si le gérant est ou non associé. S’ils sont majoritaires, ils peuvent ne pas être rémunérés. L’assiette des cotisations est forfaitaire. Cependant, les associés, souhaitant maîtriser les décisions d’un gérant non associé, assurent sa maîtrise par un statut de salarié.

4 - Les dirigeants en SAS

En SAS, la présence d’un président est obligatoire. Sa désignation, la durée de ses fonctions et sa révocation sont librement fixées par les statuts. Ils doivent aussi clairement préciser ses pouvoirs. Un ou plusieurs directeurs généraux peuvent être nommés, mais c’est le président qui représente la société devant les tiers. Ce peut être une personne physique ou morale, extérieure ou non à SAS. Il engage une responsabilité civile et pénale. Les associés peuvent contrôler l’exécution de la mission des dirigeants dans le cadre des assemblées, constituées sous la forme de comité de surveillance. Sa composition, sa durée et ses pouvoirs doivent être précisés par les statuts.
> La rémunération du dirigeant est facultative. Dans une SASU, la décision doit être portée dans le registre des décisions de l’associé unique. Dans une SAS avec plusieurs actionnaires, la rémunération est prévue dans les statuts ou via une décision collective des actionnaires et elle est soumise au régime des conventions réglementées.
> Le président et, s’il en existe, les directeurs généraux, sont assujettis au statut social des salariés. Cependant, un contrat de travail est reconnu seulement si un véritable lien de subordination avec la société est constaté, notamment par l’intermédiaire d’une rémunération (statut social différent du statut juridique : pas de chômage, ni réglementation du Smic, ni congés payés). A défaut, une affiliation non-salariée pourrait être prononcée, à tort, par la MSA. Dans une affaire récente (Cass. 2e civ., 13 oct. 2022, n°20-23133), une caisse de MSA a adressé au président non rémunéré d’une SAS exerçant une activité agricole une contrainte relative à des impayés de cotisations sociales. L’intéressé a contesté faisant valoir qu’il ne relevait pas du statut social des exploitants agricoles mais de celui des salariés agricoles. La Cour lui a donné raison : en sa qualité de président d’une SAS, il était assimilé à un salarié agricole ainsi que la loi (article L722-2-9°, C. rur.) le prévoit.
> Le statut d’assimilé-salarié spécifique au président de SAS, agricole ou non, présente plusieurs conséquences : en l’absence de rémunération du président, ce dernier ne verse aucune cotisation sociale. En contrepartie, sa protection sociale disparaîtra si l’absence de rémunération perdure.
> A l’IS, la rémunération versée ayant un caractère de salaire, les cotisations sont assises sur cette rémunération. A l’IR, les cotisations sont assises sur le seul montant de la rémunération et non sur la part des dividendes perçus par le dirigeant. Ceux-ci ne supportent que les contributions sociales.

 


Cet article a été rédigé à partir de l’intervention de Lionel Manteau, avocat honoraire, spécialiste en droit des sociétés et droit rural, dans le cadre du cAAmpus AGIRAGRI 2023. Le groupement organise ce séminaire « au vert » depuis trois ans maintenant, pour favoriser les échanges d’expériences et d’expertises entre les collaborateurs et dirigeants et ainsi proposer un conseil toujours plus pointu et actualisé aux clients des cabinets membres. Cette année, il a réuni, pendant deux jours, les juristes et consultants.

 

Les sociétés en agriculture – 6e édition
80 000 EARL, 50 000 Gaec, 35 000 SCEA… Le phénomène sociétaire en agriculture s’accentue. Toutes formes confondues, on en dénombre environ 180 000. Pour s’y retrouver, cet ouvrage de référence, rédigé par Lionel Manteau et dans lequel il décrit et compare les différentes formes d’organisations de l’entreprise agricole : les sociétés foncières (GFA, GFR et groupements forestiers), les sociétés assurant la gestion de l’exploitation (SCEA, EARL, Gaec, société d’assolement en commun) et les sociétés permettant de développer l’activité commerciale (GIE, SNC, SARL, SAS). L’auteur aborde aussi le phénomène des sociétés holdings.
Le petit plus. Cette 6e édition s’ouvre sur l’étude du statut d’agriculteur individuel tel qu’il résulte de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante et qui interroge aussi sur les formes sociétaires.

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