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Le Ceta en sursis : 
repenser la stratégie commerciale

17/04/2024

L'Édito

Le Sénat français incrimine l'accord du Ceta avec le Canada, après sept ans d'application officieuse. Pourtant, au même moment, se tenait la réunion au sommet de l'OMC, sans que ni l'UE ni la France ne remettent en cause la mondialisation des échanges. Difficile de comprendre la stratégie choisie ou subie.
Rappelons-nous quelques éléments d'histoire. Après la deuxième guerre mondiale, il y avait un consensus pour éviter les affres du protectionnisme qui a régné entre les deux guerres. Dans le sillage de ONU, de la Banque mondiale et du FMI, il avait été question d'une organisation commune du commerce, à laquelle Washington s’est opposée. Il a fallu se contenter du Gatt, autrement dit de cycles de négociations sur les droits de douane et les entraves au commerce.
Les privations pendant la guerre avaient tenu éloignés les produits agricoles de ces accords, les Etats gardant leur gestion dans le domaine régalien. Ce n'est qu'au début de l'Uruguay round, en 1986, sous François Guillaume, ancien président de la FNSEA devenu ministre de l’agriculture, que l'UE a accepté de placer les produits agricoles dans la négociation. La bataille a été rude entre l'UE et les Etats-Unis, mais cela s'est terminé par « l'accord de Bruxelles », en décembre 1993, qui a permis aux deux puissances de s'auto-absoudre les aides directes qu'elles instauraient par la magie des boîtes de couleur (1). Les autres pays du Gatt n’ont eu que 48 heures pour avaliser ce texte sans discussion possible ! Dans cet accord, l'UE avait demandé que le Gatt se transforme en une organisation mondiale du commerce (OMC) avec un organe de règlement des différends. Mais comme les Etats-Unis ont perdu beaucoup de jugements, ils n’ont pas renouvelé leurs juges et l'OMC est en état de mort clinique (2).
Depuis que l’UE est passée aux aides découplées, les Etats-Unis y ont renoncé, soutenant les prix à la production par des aides contracycliques et l'affectation de près de 40 % de leurs céréales à la production d'éthanol. La Chine, entrée en 2006 dans l'OMC, détient presque la moitié des stocks mondiaux, alors que l'organisation interdit les stocks publics. Seule l'UE persiste à croire qu'on peut défendre le revenu des agriculteurs avec des aides découplées et sans constituer de stocks pour éviter les mouvements spéculatifs.
Les accords multilatéraux à l'arrêt, l'UE multiplie les accords bilatéraux comme celui du Ceta, sans se donner les moyens d'une philosophie claire sur les mesures à prendre pour éviter le réchauffement climatique, assurer la souveraineté alimentaire et offrir une stabilisation des revenus agricoles.

(1) Boîte verte (subventions autorisées), orange (opérer des réductions), rouge (interdites)
(2) https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/ab_members_descrp_f.htm

 

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Prix planchers ou limitation des risques 
à l’américaine

17/04/2024

Imposer des prix planchers aux acteurs économiques des filières dans le cadre des lois Egalim. C’est l’idée du Président de la République pour trouver une solution aux difficultés des agriculteurs. Une excellente étude d’Alexandra Kirch, Directrice d’Agriculture Stratégies, apporte un éclairage intéressant.

Force est de constater qu’on a laissé depuis longtemps se constituer des quasi-monopoles aussi bien dans le secteur des industries agroalimentaires (IAA) que de la grande distribution. L’expérience acquise montre que les lois sur la concurrence ne parviennent pas à empêcher ces entreprises de profiter de leur rente de situation. Peut-on espérer dans l’avenir un changement de rapport de force entre les agriculteurs et les firmes d’amont ou d’aval ? Les chances sont minimes. Dans le contexte actuel de mondialisation des échanges, il est difficile d’imaginer comment le Gouvernement pourrait réguler les marchés des produits agricoles, alors que les mécanismes de régulation utilisés lors de la première période de la PAC ont été abandonnés depuis longtemps.

Des aides liées aux besoins
Alexandra Kirch remet en perspective ce débat en rappelant les solutions adoptées aux Etats-Unis. Moins disciplinés que les Européens vis-à-vis des règles de l’OMC, les Américains ont renoncé, il y a une décennie déjà, aux aides découplées sur une base historique.

Avec leur pragmatisme habituel, ils ont considéré que ces aides étaient une rente quand les prix du marché étaient élevés et qu’elles étaient souvent insuffisantes quand les prix étaient bas. Ils ont donc mis en place un système d’aides dites « contracycliques », c’est-à-dire des aides variables en fonction du niveau des prix de marché ainsi qu’un système d’assurance récolte. Ce dernier, impossible à privatiser en raison des risques systémiques liés aux variations climatiques, est largement subventionné par des aides d’état. Ce système, adapté à chaque exploitation avec des modes de calcul qui supposent une administration très efficace, semble très souple et permet une certaine sécurisation du chiffre d’affaires de la plupart des exploitations, voire même une sécurisation des marges pour les producteurs de lait.

La sécurisation des revenus agricoles est un prérequis essentiel pour encourager les investissements dans le secteur agricole. Sans un minimum de sécurité, tant en ce qui concerne la disposition du foncier que le chiffre d’affaires, le risque encouru en cas d’investissement est trop élevé. C’est grâce à la sécurité offerte par les politiques agricoles des années d’après-guerre et à celle assurée par la PAC que les agriculteurs français et européens ont pu relever le défi d’assurer une sécurité alimentaire dans une Europe qui disposait de deux fois moins de terres que les Etats-Unis pour une population bien plus importante. L’UE a même réussi l’exploit de devenir largement excédentaire en produits agroalimentaires, alors que les Etats-Unis et la Chine sont déficitaires. Pourrons-nous maintenir cet avantage si nous laissons la sécurité économique des exploitations européennes se dégrader ? Les solutions existent, et le fait qu’elles soient imaginées par les Américains ne devrait pas nous empêcher de les considérer.

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Du Bordeaux trop abondant et trop rouge

17/04/2024

Viticulture

Avec une offre excédentaire et une demande en berne, les bordelais font face à une crise sans précédent, exacerbée par une production majoritairement rouge en déclin.

C’est à n’y rien comprendre. Alors que les vins et champagne atteignent des résultats records en matière d’échanges commerciaux sur les marchés mondiaux, les viticulteurs de Bordeaux, fleuron s’il en est de cette viticulture française, manifestent leur désappointement et réclament des aides à l’arrachage des vignes.
En 2023, le solde “boissons” a connu une légère baisse de 800 millions d’euros (M€) par rapport au record atteint en 2022, qui s’élevait à plus de 16 milliards € (md€) soit une baisse limitée à 5 %. L’excédent 2023 est donc encore de 15,2 md€ dont 11 md€ pour les seuls vins et champagne. La France demeure le premier exportateur mondial en valeur dans ce secteur. Comment un tel succès peut-il cacher une telle crise, en particulier dans la région de Bordeaux ?
Il y a d’abord une crise de la demande, qui concerne à peu près tous les pays du monde. Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque nouvelle génération consomme moins de vin que la précédente, même si on observe une montée en gamme qui permet d’augmenter les prix unitaires et de compenser ainsi en partie ou en totalité les diminutions de volumes. De plus, on observe un désintérêt pour les vins rouges au bénéfice des rosés et surtout des vins blancs. A cet égard, la région de Bordeaux est particulièrement concernée puisque 85 % de sa production est du vin rouge, lequel a été plus affecté que la moyenne nationale. Sa consommation a baissé de 28 % en 20 ans au niveau national et celle de Bordeaux de 39 %.

Une crise structurelle et conjoncturelle
S’ajoutent des problèmes spécifiques à Bordeaux. En 1980, la surface viticole de cette région était tombée à 75 000 ha. Or, dans les années qui ont suivi, la demande a explosé, entraînant des plantations massives d’environ 50 000 ha. C’est plus que la totalité du vignoble de Nouvelle Zélande ! Cela a créé une crise sévère au début des années 2000. Des aides à l’arrachage ont déjà été versées, mais cela n’a pas suffi. Il y dix ans, il y avait encore 118 000 ha de vignes. Depuis, le vignoble a perdu 10 000 ha. Il en reste 108 000 ha.
Cette surface est bien supérieure aux capacités des maisons de négoce de la région. Contrairement aux autres régions viticoles, les grandes maisons de commerce de Bordeaux ont cessé de commercialiser les gros volumes de vins de moins de 10 €, préférant se concentrer progressivement sur les grands domaines prestigieux. Ces entreprises auraient même considérablement réduit leur approvisionnement. Elles commercialisaient la production de 200 domaines il y a 20 ans, 100 il y a dix ans et seulement 50 aujourd’hui.
Dans ces conditions, de nombreux viticulteurs peinent à écouler leur production dans un contexte où les coûts ne cessent d’augmenter. La profession demande une réduction significative des surfaces. C’est ce qui s’est passé dans le Beaujolais où suite à la crise, la moitié des surfaces a été arrachée. Une crise grave, dans une région que l’on croyait bénie des dieux et qui faisait même rêver les riches chinois. « La roche Tarpéienne est proche du Capitole », disait les Romains. Mais cette région a souvent démontré sa capacité à se réinventer, grâce à des atouts considérables.

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Un million de vaches en moins en 10 ans 
et 3 millions en 40 ans

17/04/2024

Élevage

En lait comme en allaitant, nous assistons à une décapitalisation importante compensée par une hausse des prix.

En 2023, la collecte laitière française a continué à diminuer, en raison de conditions climatiques défavorables – l’alternance sécheresse / pluies étant peu propices aux réserves fourragères –, et d’un élément structurel important : la diminution du cheptel. Pour la neuvième année consécutive le cheptel a reculé, atteignant désormais de 3,37 millions de vaches laitières. Soit une baisse de 67 000 têtes en un an (-1,9 %) et de 465 000 depuis son point haut de 2014 (- 12 %). Cette baisse concerne surtout les régions du Sud (Nouvelle Aquitaine et Occitanie) mais aussi la Bretagne, en particulier dans le Finistère et le Morbihan, qui connaît une décroissance depuis 2019. En région Pays de Loire, la Vendée a perdu 24 % de son cheptel laitier. La Normandie et la France du Nord et de l’Est résistent mieux, le département du Doubs étant le seul à connaître une hausse de son cheptel, ce qui témoigne de l’intérêt des signes de qualité.

Raréfaction de l’offre
Le troupeau de vaches allaitantes a également été touché, avec une décapitalisation de 74 000 têtes en un an, atteignant 409 000 têtes depuis 2016. Le cheptel de vaches allaitantes était de 3,47 millions en décembre 2023. En dix ans, le nombre de vaches a diminué de près d’un million, et il a chuté de plus de 30 % en 43 ans, passant de plus de 10 millions en 1980 à 6,84 millions aujourd’hui.
Cette forte diminution explique en partie le recul de la collecte laitière de 2,7 % en un an et de 7,4 % depuis 2014, le point le plus élevé de la collecte. La part de la France dans la collecte européenne a diminué et n’est plus que de 16,3 %. Les pays gagnants sont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne. A l’exception de la Normandie, toutes les régions de France ont connu une baisse de collecte.
Cette raréfaction de l’offre a été favorable à une bonne tenue des prix. Après les augmentations de 2022, les prix ont reculé en Europe, mais la France a fait exception avec une hausse de 5 % en 2023. Le prix du lait standard a gagné 24 € d’une année sur l’autre, atteignant 460 € par 1000 l, soit un prix supérieur à celui de l’Allemagne. Dans le secteur de la viande bovine on assiste aussi à une diminution de 49 000 tonnes des abattages de gros bovins finis en 2023, soit une baisse de 4 %. Cela concerne toutes les catégories à l’exception des jeunes bovins et des bœufs. Cette pénurie relative explique que les prix ont encore augmenté de 4 % en 2023

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Prix des céréales : anatomie d’une chute

17/04/2024

Grandes Cultures

Les prévisions du Conseil international des céréales pour la campagne 2024/2025 annoncent des records de production, mais les prix restent instables.

Les prévisions que le Conseil international des céréales pour la prochaine campagne 2024/2025 confirment la tendance observée depuis plus de dix ans. La production mondiale ne cesse de croître, avec des records historiques attendus l’année prochaine : 2 332 millions de tonnes (Mt) de céréales, 523 Mt de riz et 413 Mt de soja. Ces chiffres ne sont que des prévisions et pourraient être remis en cause par des accidents climatiques. Mais force est de reconnaître que l’abondance règne depuis une décennie malgré les craintes souvent exprimées à ce sujet.
Mais alors comment expliquer les fortes augmentations des cours qu’on a connues pendant plus de deux ans ? Tout simplement parce que les « lois » selon lesquelles les marchés sont le meilleur moyen d’établir un prix d’équilibre entre l’offre et la demande ne sont pas très efficaces dès lors qu’un élément extérieur intervient. C’est d’autant plus vrai si la concurrence est perturbée par la monopolisation croissante des acteurs. Autrement dit, la guerre d’Ukraine et le blocage des routes maritimes de la mer Noire, le manque de containers imputable au rétablissement du fret maritime avec la Chine et la concentration du commerce international des céréales et du soja dans quatre firmes, les « Big fours » qu’on appelle aussi ABCD (1), ont contribué à cette situation. Ces sociétés, qui contrôlent 90 % du marché international, sont les seules à détenir des stocks depuis que l’OMC a interdit les stocks publics. Elles peuvent donc facilement profiter des évènements extérieurs pour développer une spéculation accrue, amplifiée par des intervenants financiers avides de plus-values.

Un équilibre perturbé
Ainsi, alors que la production mondiale battait des records, les prix suivaient la même tendance, avant de connaître aujourd’hui une baisse tout aussi excessive. Telle est la loi des marchés non régulés. Le risque est évident pour les producteurs agricoles. En cas de forte volatilité, il devient dangereux d’investir car lorsque la crise survient, ce sont les agriculteurs les plus modernisés qui disparaissent car ils sont les plus endettés.
Actuellement, seule la Chine s’est mise à l’abri en gardant la moitié des stocks mondiaux soit 320 Mt de céréales sur un total de 600 Mt, 100 Mt de riz sur 170 Mt et 40 Mt de soja sur 68 Mt. Mais Pékin ne s’est pas donné pour rôle de réguler les prix mondiaux. De leur côté, les Etats-Unis, grands exportateurs de céréales et de soja et principaux actionnaires de trois des quatre majors du commerce, peuvent bénéficier des prix élevés et soutenir les cours intérieurs en affectant 38 % de leur production de céréales à la fabrication d’énergie. On sait pourtant, depuis l’ère des pharaons, que les stocks sont essentiels à la cohésion sociale dans le pays qui les détient et ont la capacité à éviter la famine ailleurs dans le monde. Il est donc étonnant que l’UE ne se donne pas les moyens de retrouver une certaine souveraineté en matière de céréales comme de médicaments, et qu’elle ait même critiqué, au dernier sommet de l’OMC, la demande de l’Inde de constituer des stocks !

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Une dégradation de nos échanges extérieurs préoccupante

17/04/2024

Fruits & Légumes

Face à la baisse de la production française de fruits et légumes et à l'augmentation du déficit commercial dans ce secteur, le gouvernement a présenté un plan de souveraineté. Enjeux.

En mars 2022, le gouvernement, soutenu par la profession, a publié un plan de souveraineté pour les fruits et légumes. Le constat est sans appel : la production française, tous fruits et légumes confondus, couvre seulement 51 % de nos besoins, contre 65 % il y a 20 ans, soit une diminution de 14 points. Si l’on exclut les produits exotiques, le pourcentage passe de 74 % à 63 %, soit une baisse de 11 points.
Le taux d’auto-approvisionnement du secteur de la conserve est de 57 % et celui des produits surgelés de 26 %. Le rapport souligne le cas spécifique de la pomme de terre. La production française dépasse les 7 millions de tonnes, dont la moitié est exportée. Mais 59 % de ces exportations nous reviennent sous forme de frites ou de produits transformés ! En 20 ans, les surfaces de légumes ont diminué de 22 000 ha (-10 %) et les surfaces de vergers de 4 000 ha (-7 %).
L’objectif du plan stratégique du gouvernement serait de regagner 5 points de parts de marché d’ici 2030 et 10 points d’ici 2035, avec un budget annuel d’environ 200 millions d’euros. Ces fonds seront essentiellement utilisés pour subventionner l’équipement de modernisation et faciliter la réglementation sur les produits de protection des cultures, en harmonisant les exigences avec celles de l’UE.

Disproportion des aides : un enjeu crucial
Fait étonnant, ce rapport ne fournit aucun chiffre en valeur du commerce international. Les tonnages sont utiles pour mesurer les enjeux de production mais les prix au kilo ne sont pas les mêmes selon les périodes de l’année et surtout entre produits. En 2023, le déficit du commerce extérieur des légumes frais est de 598 millions d’euros (M€), celui des fruits frais à 1 253 M€, auxquels il faut ajouter celui des fruits et légumes transformés de 3 911 M€. Au total, le déficit de cette filière est désormais de 7,8 milliards € (md€).
Il est intéressant de comparer ce chiffre à celui des excédents céréaliers. En 2023, celui des céréales et oléoprotéagineux est de 6,9 md€, auquel il faut ajouter celui des produits de céréales (+850 M€) et retrancher celui des tourteaux (+1,6 md€). Au total, la filière a donc un excédent de 6 md€. Autrement dit, notre excédent céréalier ne couvre plus du tout notre déficit fruits et légumes.
Le Ministère de l’agriculture ne publie plus les montants des aides de la PAC versées par secteur de production, au motif qu’elles sont découplées. Toutefois, on peut se livrer à une estimation, puisque les aides sont attribuées à l’hectare. Le secteur des fruits et légumes, y compris pommes de terre, occupe une superficie dix fois moins importante que celle des céréales et oléoprotéagineux (11,5 Mha en 2023). La valeur de la production hors subvention est pour chacun de ces secteurs d’environ 16 md€. Il conviendrait peut-être de s’interroger sur une telle disproportion dans les aides à la production, avant que le déficit croissant des fruits et légumes ne transforme l’excédent actuel de nos échanges totaux en déficit.

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Emmanuel DERRIEN : l’IA générative pour améliorer la productivité

17/04/2024

Ingénieur dans le digital depuis 20 ans, conférencier et formateur en intelligence artificielle, il a conçu une solution de suivi de la stratégie d’entreprise, boostée par l’IA : « Enjoy your business ».

Autrefois réservée à des applications spécifiques et coûteuses, l'intelligence artificielle a connu un tournant décisif avec l'arrivée de l'IA générative. Désormais plus accessible et polyvalente, cette technologie ouvre de nouvelles perspectives. Poussé par sa curiosité, Emmanuel Derrien a exploré cette nouvelle vague et partage avec nous son optimisme.

Comment l’IA générative contribue-t-elle à la transformation du secteur agricole ?

L'intelligence artificielle générative (IAG) est une branche fascinante de l’IA qui ouvre des possibilités presque infinies en termes de création et d’interaction. Contrairement à l'IA "classique", qui peut être intégrée dans des appareils ou des systèmes sans qu'on en ait directement conscience, l'IA générative travaille à créer du contenu : texte, images, musique, en réponse à nos sollicitations.
Dans le secteur agricole, elle permet d'analyser des quantités massives de données provenant de capteurs variés, qu'il s'agisse de la météo, de la qualité du sol ou même de l'état de santé des cultures et du bétail, transformant les données brutes en informations exploitables.

Les agriculteurs peuvent alors optimiser leurs pratiques pour une production plus efficace et durable. L'IAG constitue à la fois une continuité et une bascule pour l'agriculture. Les agriculteurs sont déjà engagés dans la modernisation de leurs équipements et la collecte de données diverses. Cependant, l'IA change les règles du jeu en facilitant l'analyse de données. Auparavant, il fallait plusieurs humains pendant plusieurs jours pour comprendre les données. Désormais, l'IAG permet d'avoir des analyses approfondies pour prendre de meilleures décisions, offrant peut-être aussi plus de services et une capacité de réactivité plus pertinente.

L'IAG peut-elle aider à relever les défis de l'agriculture en matière de développement durable ?

Je le crois très fortement. L'IA analyse les données pour favoriser des pratiques plus respectueuses de l'environnement. Bien que l'intégration de l'IA dans les entreprises nécessite un investissement initial important, elle peut conduire à des économies significatives à moyen et long terme, grâce à une efficacité opérationnelle accrue, une réduction des pertes et une amélioration de la qualité de la production.
L'IAG peut contribuer à la productivité en optimisant l'utilisation des intrants, de l'eau ou encore de l’énergie comme l’électricité. Elle permet également d'optimiser les flux, les tâches et les activités, en aidant à planifier les interventions au bon moment et au bon endroit, évitant par exemple des allers-retours inutiles en tracteur.

Tout le monde n’est pas omniscient. L'IAG peut servir de guide pour les néoruraux en leur fournissant des analyses et des recommandations basées sur une multitude de données, les aidant ainsi à prendre des décisions éclairées et accélérer leur reconversion dans l’agriculture. L’IAG peut aussi nous apprendre beaucoup sur notre domaine d’expertise et faire de nous des « humains augmentés » !

Face à l'IAG, ne risque-t-on pas de perdre certaines compétences humaines ?

Il existe un risque réel de perte de compétences humaines si nous devenons trop dépendants de l'IA sans chercher à comprendre son fonctionnement ou à maintenir nos compétences de base. Cependant, utilisée judicieusement, l'IAG peut aussi être un levier pour développer de nouvelles compétences, en nous libérant des tâches moins valorisantes pour nous concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée. C’est ma conviction. De 2000 à 2010, il y a eu une phase d'augmentation de la productivité grâce à la bureautique moderne, Internet, la messagerie. Depuis 2011 à l’inverse, les outils génèrent plus de process et donc plus de tâches à effectuer par les humains. Aujourd'hui, certains passent 3 ou 4 h par jour sur leurs emails, alors qu'on sait que 92 % des emails qu'on reçoit sont secondaires ! L’IA peut agir comme un coach ou un assistant, aidant les utilisateurs à trier leurs mails, déterminer leurs priorités et à se concentrer sur les tâches les plus importantes, sur des analyses plus complexes et sur le conseil par exemple. C'est complètement différent des logiciels qu'on connait depuis maintenant 40 ans et très enthousiasmant ! L’IA peut nous reconnecter à notre boulot d’humain : aider les autres

 

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Partage de la Valeur : des leviers 
de rémunération et d'engagement des salariés

17/04/2024

Droit et Gestion

En allouant une part des bénéfices de l'entreprise directement aux salariés, la PPV et autres dispositifs créés par la loi sur le pouvoir d’achat du 16 août 2022, visent à renforcer le lien entre la performance de l'entreprise et la rémunération de ses employés. Le point sur les nouveautés 2024.

1. La prime de partage de la valeur (PPV) rénovée

Dans un environnement économique en constante évolution, la France a introduit dès décembre 2018 cette prime de « pouvoir d’achat ». Le cadre a été revu et ce dispositif s’est inscrit dans la durée. Il peut être mis en œuvre à tout moment et fonctionne par année civile pour l’octroi comme pour le versement de cette prime.

> Fonctionnement. Facultatif, ce dispositif est ouvert à toute entreprise sans condition d’effectif, mais il ne peut en aucun cas se substituer à un élément de rémunération existant, par exemple la prime habituellement versée ou une augmentation prévue.
La PPV permet à tout employeur de verser une prime pour une année donnée, avec un plafond d'exonération fixé à 3 000 €/an. Ce plafond peut être porté à 6 000 € dans des cas spécifiques, notamment en présence d'un accord d'intéressement. Par ailleurs, il est possible de verser deux PPV par an, tout en veillant au respect du plafond cumulé.

> Bénéficiaires de la PPV. Ce sont les salariés liés par un contrat de travail, soit à la date de l'accord, soit à la date de versement de la prime. Flexible, la PPV permet une modulation en fonction de critères tels que l'ancienneté, la rémunération, le temps de présence, la durée du travail ou la classification. Le versement de la prime est possible en plusieurs fois dans la limite d’une fois par trimestre.

> Exonérations. Dans la limite applicable (3 000 € ou 6 000 €/an/bénéficiaire) la PPV est exonérée de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle (parts salariale et patronale), de contributions formation, de taxe d'apprentissage et de participation construction. Cette exonération, pérenne, joue quelle que soit la rémunération du salarié.
En 2024, 2025 et 2026, le régime renforcé d'exonération de la PPV est recentré sur les entreprises de moins de 50 salariés, conformément à la loi Partage de la valeur (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 9, 5°). Dans ces entreprises, en plus de l'exonération sociale précitée, les PPV versées à des salariés rémunérés moins de 3 Smic sur les 12 mois précédant le versement de la prime sont également exonérées :

  • de CSG/CRDS et d'impôt sur le revenu, dans la limite de 3 000 € ou 6 000 €/an/bénéficiaire ;
  • de forfait social.

A contrario, pour les salariés rémunérés 3 Smic et plus des entreprises de moins de 50 salariés, ainsi que pour tous les salariés des entreprises de 50 salariés et plus, la PPV est assujettie :

  • à CSG/CRDS (après abattement d'assiette de 1,75 %) ;
  • au forfait social dans les conditions de l'intéressement, à savoir dans les entreprises de 250 salariés et plus, sur la fraction exonérée de cotisations mais soumise à CSG ;
  • à l'impôt sur le revenu, sauf si la prime est affectée dans un délai fixé par décret à un plan d'épargne, auquel cas elle est exonérée dans la limite de 3 000 € ou 6 000 € par an et par bénéficiaire.

2. L’obligation du partage de la valeur dans les petites entreprises

Ce dispositif expérimental (1), s’applique aux entreprises de 11 salariés et plus qui ne sont pas tenues de mettre en place la participation et qui réalisent un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires pendant trois exercices consécutifs. Ces dernières devront, de ce fait, instituer un dispositif de partage de la valeur au cours de l'exercice suivant. Cette obligation s'applique à partir des exercices ouverts après le 31 décembre 2024, soit à compter du 1er janvier 2025. La condition relative à la réalisation du résultat excédentaire s’appréciera sur la base des trois exercices précédents.

> Fonctionnement. Cette obligation peut prendre quatre formes :

  • La mise en place d'un régime de participation ou d'intéressement,
  • La mise en place du dispositif expérimental de participation dérogatoire prévu par la loi pour les entreprises de moins de 50 salariés (avec une formule moins favorable que la formule légale),
  • L'abondement d'un plan d'épargne salariale (PEE, PERCO ou PERE-CO, le cas échéant interentreprises),
  • Le versement de la PPV. Les entreprises qui appliquent déjà un des dispositifs de partage de la valeur sont donc exemptées de cette obligation supplémentaire.

> Entreprises non-concernées. Sont exclues de cette expérimentation :

  • Les entreprises appliquant déjà un des 4 dispositifs de partage de la valeur ci-dessus au titre de l’exercice considéré (prime de partage de la valeur, intéressement, participation aux résultats, abondement à un plan d’épargne salariale) ;
  • Les entrepreneurs individuels, y compris les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) encore existants ;
  • Les sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO) qui versent un dividende à leurs salariés au titre de l’exercice écoulé et dont le taux d’intérêt sur la somme versée aux porteurs d’actions de capital est égal à 0 % (c'est-à-dire qu'elles n’ont pas fait usage de la possibilité de verser un dividende prioritaire proportionnel au capital social aux actionnaires en capital).

3. Le nouveau plan de partage de la valorisation de l'entreprise (PPVE)

Le PPVE est un nouveau dispositif facultatif, conçu pour fidéliser les salariés en les intéressant non seulement aux résultats mais aussi à la valorisation globale de l'entreprise sur un cycle de trois ans.

> Fonctionnement. Ce dispositif exige un accord basé sur le rapport d'un commissaire aux comptes, qui a pour mission de garantir l'adéquation de la formule de valorisation retenue.
Cette option souligne l'engagement vers une rémunération variable collective qui reconnaît l'effort et la contribution des salariés à la croissance et au succès de leur entreprise. Les salariés concernés par le PPVE doivent justifier d'au moins un an d'ancienneté, critère qui peut être ajusté par l'accord instaurant le plan.


4. Autre dispositif - En cas de bénéfice exceptionnel

Pour les entreprises de plus de 50 salariés et comptant un délégué syndical, un dispositif spécifique s'applique en cas de bénéfice exceptionnel.

> Fonctionnement. Depuis le 1er décembre 2023, ces entreprises doivent engager des négociations concernant la mise en œuvre de dispositifs de participation ou d’intéressement lorsqu'elles prévoient la réalisation d'un bénéfice exceptionnel. Ces négociations doivent définir clairement ce qu’est une « augmentation exceptionnelle du bénéfice », en prenant en compte des facteurs tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, les résultats des années précédentes et les événements exceptionnels externes à l’entreprise.
L’accent est mis sur l’importance de la négociation dans la définition des modalités de partage de la valeur associée à ce bénéfice exceptionnel, qui pourrait prendre diverses formes. Les entreprises ayant déjà un accord d’intéressement ou de participation sont tenues d'entamer des négociations sur le thème du partage de la valeur lié à un bénéfice exceptionnel avant le 30 juin 2024.


Différents dispositifs donc, pour la plupart facultatifs ou d’application limitée, mais attention, les entreprises de plus de 11 salariés doivent d’ores-et-déjà se questionner : si leur bénéfice net fiscal 2022 et 2023 est au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires, ils devront mettre en place un dispositif de partage de la valeur en 2025 si leur exercice 2024 remplit également ce critère. N’hésitez pas à vous rapprocher du service social de votre cabinet membre d’AGIRAGRI pour mettre en place le dispositif le plus adapté à votre entreprise


Muriel Giot, juriste en droit social Groupe BSF

(1) Prévu pour 5 ans à compter de la promulgation de la loi, autrement dit jusque mi-2027.

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Noisettes du Bourbonnais, un virage audacieux

17/04/2024

Portrait D'Avenir

Nicolas et Karen sont les premiers producteurs de noisettes de l’Allier. Une reconversion radicale et prometteuse de la traditionnelle ferme familiale.

Dans l'écrin verdoyant du Bourbonnais, une révolution douce mais déterminée s'opère. Nicolas Perrin, un jeune agriculteur armé d'une vision et d'une détermination sans faille, s’est lancé dans une aventure agricole peu commune dans l’Allier : la noisette.
Fils d’agriculteurs, Nicolas ne se destinait pas à reprendre l’exploitation familiale. Ses parents l’en avaient toujours dissuadé. Lui-même est encore marqué par la crise porcine. « J’étais à un âge où je comprenais ce qui se passait. Ils ont fermé le robinet sur tout le confort, jusqu’au moindre abonnement, parce qu’ils ne s’en sortaient pas. Ça marque », avoue Nicolas. Le BTS Acse en poche, il s’oriente alors vers une carrière de commercial, dans le machinisme puis les intrants. C’est lors d’un de ses déplacements professionnels en Lot-et-Garonne en 2016 qu’il découvre la culture de la noisette et se prend de passion pour ce petit fruit à coque.
A 30 ans, le voilà frappé par une révélation : et si le destin de la ferme familiale ne s'arrêtait pas là ? Et si, contre toute attente, il en prenait les rênes pour la faire perdurer, tout en l'inscrivant dans l’innovation et la diversification ? « Je ne voulais pas être la génération – la 3e – qui abandonne », souligne-t-il.

Croire en l’avenir
Nicolas mûrit son projet. Sur le papier, le prévisionnel financier est solide. Mais la conseillère installation du département n’y croit pas. Les banques non plus. Ce sont alors ses parents qui financent les premiers pas de cette aventure. Ils achètent en 2016 et 2017, les plants pour 70 000 € et le foncier, l’ancienne carrière de Kaolin attenante à la ferme familiale où Nicolas jouait enfant, pour 120 000 €. Ils créent l’« EARL Perrin Nicolas » dans laquelle leur fils prend quelques parts. Mais ce n’est que le 1er janvier 2019 que Nicolas s’installe officiellement sur la ferme familiale, ses 70 ha de cultures – dont maintenant 22 ha en noisetiers soit plus de 15 000 arbres –, ses 45 vaches allaitantes et ses 400 porcs à l’engraissement, marquant le début concret de sa quête pour devenir le premier producteur de noisettes de l'Allier.
Le chemin est semé d'embûches. Malgré la sélection de trois variétés tardives et prometteuses, la Corabel, la Segorbe et la Merveille de Bollwiller, le climat des Combrailles, à 700 mètres d'altitude, s'avère peu propice à cette culture habituée à d’autres latitudes.
Nicolas se confronte à des gelées tardives. « Je manquais aussi de compétences techniques », avoue-t-il. Loin de se laisser abattre, il adapte sa stratégie et se tourne, avec sa compagne Karen, vers la transformation. Ancienne employée de banque, elle s’est laissée embarquer dans l’aventure. Actuellement en formation pour passer un BPREA (1), elle participe activement à la transformation des noisettes. Un domaine où ils peuvent exprimer leur créativité et leur savoir-faire, acquis à l’occasion de voyages en Italie. Caramélisées, enrobées de chocolat, transformées en crème ou simplement grillées, les noisettes du Domaine des Kaolins séduisent par leur qualité et leur originalité.
Nicolas se confronte à des gelées tardives. « Je manquais aussi de compétences techniques », avoue-t-il. Loin de se laisser abattre, il adapte sa stratégie et se tourne, avec sa compagne Karen, vers la transformation. Ancienne employée de banque, elle s’est laissée embarquer dans l’aventure. Actuellement en formation pour passer un BPREA (1), elle participe activement à la transformation des noisettes. Un domaine où ils peuvent exprimer leur créativité et leur savoir-faire, acquis à l’occasion de voyages en Italie. Caramélisées, enrobées de chocolat, transformées en crème ou simplement grillées, les noisettes du Domaine des Kaolins séduisent par leur qualité et leur originalité.
« L’idée était de me libérer un maximum de temps pour l’activité noisette », explique-t-il. Nicolas a aussi bénéficié de subventions européennes, à hauteur de 40 % de ses investissements. Bien que la constitution du dossier soit lourde et le taux diminué à 35 %, le couple n’envisage pas de s’en priver pour son prochain investissement de 150 000 €, prévu en 2025, avec l’installation officielle de Karen : la construction d’un bâtiment de 800 m² attenant à celui existant, pour le stockage des noisettes et matériel et l’agrandissement du laboratoire. Pour le reste, la banque les suit désormais, rassurée par le rendement du solaire et des 2000 m² de panneaux qui seront installés sur la toiture des anciens bâtiments de la ferme.

Une compta 100 % noisettes
Le rendement des noisetiers est lui aussi prometteur. La production est passée de 5 à 18 tonnes de noisettes sur la dernière année, grâce à la maturité croissante du verger qui va avoir sept ans et à des conditions climatiques favorables. Les challenges, loin de le freiner, stimulent son ambition. Nicolas envisage désormais d'atteindre une production de 2 t/ha (le potentiel théorique est à 3t), grâce à l'expertise technique acquise notamment auprès d’un ami producteur du Lot-et-Garonne. La solidarité s'est aussi renforcée au sein d'un réseau de producteurs indépendants, via des groupes WhatsApp, en réponse aux obstacles posés par la coopérative Unicoque qui a le monopole de la collecte en France. Ils partagent leurs connaissances et les défis techniques auxquels ils sont confrontés. « Je préfère garder ma liberté plutôt qu’être engagé par des contrats contraignants sur 15 ans, avec obligation de livrer ma production en Lot-et-Garonne et en retour, aucune certitude de récupérer mes noisettes. »

Grâce à la transformation, Nicolas vend sa production à un prix bien supérieur à celui proposé par la coopérative, tout en se libérant de la pression du rendement. « Je valorise la noisette à 10 €/kg HT quand la coop l’achète 1,5 €/kg. Même en supermarchés, les tarifs ne sont que de l’ordre de 8,50 € à 10 €/kg… TTC ».
La distribution se fait à 40 % en vente directe (à la ferme et dans un magasin de producteurs) et à 60 % via des épiceries fines et des revendeurs, notamment dans le réseau Gamm Vert. La présence dans des salons, comme le SIA à Paris en 2024, représente aussi un investissement stratégique pour l'entreprise. Pour fidéliser ces lointains clients, l'accent a été mis sur le développement de la boutique en ligne, dont la popularité s'accroît grâce à la médiatisation du domaine.
En 2024, le domaine des Kaolins connaîtra sa première année comptable entièrement dédiée à la production de noisettes. « J’arrive à 75 % de marge brute, affirme-t-il fièrement. C’est le tremplin commercial qu’on attendait pour satisfaire toutes les demandes des clients ». Ce sera aussi l’occasion de faire un point avec Auverco, son cabinet d’expertise-comptable membre d’AGIRAGRI, qui l’accompagne dans son développement. Aujourd’hui, Nicolas détient 97 % des parts de l’EARL, sa mère conservant les 3 % restant en attendant l’installation de Karen. En parallèle, une SAS a été créée pour l’activité solaire et l’achat-revente de noisettes (avec une marque dédiée), si une mauvaise récolte les y contraignait une année.
Les exigences européennes en matière de subventions pèsent sur son organisation juridique. « Pendant cinq ans, les investissements doivent être portés par l’EARL et non une société commerciale », explique Nicolas. En plus, il va être temps de se pencher sur le montant de ses cotisations sociales qui vont exploser avec la fin de son statut de jeune agriculteur. Une embauche est également prévue, voire une association.
Convaincu du potentiel de développement de la noisette dans les années à venir, Nicolas souhaite anticiper les futurs projets régionaux. Avec Karen, ils ont créé la marque « Noisettes Cœur d'Auvergne » pour marquer leur territoire et se tiennent prêts à transformer des noisettes pour le compte d'autres producteurs qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure.

Propos recueillis par Arielle Delest

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La sève de bouleau, une production atypique
Depuis sa fermeture à la fin du 19e siècle, l'ancienne carrière s'est transformée en un lac d'1,5 hectare, entouré d'une forêt de 4 ha de bouleaux dont Karen et Nicolas extraient la sève. « Tout a commencé un peu par hasard, par simple curiosité, puis on a cherché des techniques d’extraction et maintenant, la production fait partie intégrante de l’identité du Domaine des kaolins. » Aujourd'hui, ils récoltent environ 600 litres (2 l/j/arbre en moyenne) de sève chaque année entre début mars et mi-avril, en veillant à respecter la bonne santé des arbres et à préserver cette ressource naturelle. La sève récoltée est neutre et sucrée, et peut être consommée en cure printanière, à raison de 15 cl tous les matins à jeun pendant trois semaines. Le couple propose la cure à 29,50 €.
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Un livre et deux documentaires à noter

17/04/2024

Culture

Beau livre – L’agroécologie en image

Avec « Voyage en terres de semences », Matthieu Chanel et Florence Loncq nous proposent un tour de France de l’agroécologie en 130 photographies et 20 portraits de paysannes et paysans dont certains bien connus comme Charles Hervé Gruyer, figure de proue de la permaculture, ou Daniel Vuillon, l'un des fondateurs des AMAP. Ce livre, sorti fin mars 2024, est une commande de Agrosemens, une maison semencière bio et militante.

Documentaire – Les produits agricoles à l’honneur

Avec ce film sorti le 20 décembre 2023, le fameux réalisateur, Frederick Wiseman, nous emmène dans les coulisses des prestigieux restaurants de la famille Troisgros. Du marché quotidien aux caves d’affinage du fromage, en passant par le vignoble, l'élevage bovin et le potager contigu au restaurant, « Menus-Plaisirs » est un voyage intime et sensoriel dans les cuisines d’un des plus prestigieux restaurants du monde. Les produits agricoles et les producteurs locaux y sont à l’honneur.

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Documentaire – La vie quotidienne d’agriculteurs

C’est rare de pouvoir filmer 50 ans dans la vie d’une ferme. C’est ce que nous offre ce documentaire sur la ferme savoyarde des Bertrand. On démarre en 1972 avec une exploitation laitière d’une centaine de bêtes tenue par trois frères célibataires. Puis en 1997, en voisin, le réalisateur Gilles Perret leur consacre son premier film, alors que l’exploitation est en train d’être transmise au neveu Patrick et sa femme Hélène. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, le réalisateur-voisin reprend la caméra pour accompagner Hélène qui, à son tour, va passer la main. A travers la parole et les gestes des personnes qui se sont succédées, le film dévoile des parcours de vie où travail et transmission occupent une place centrale : une histoire à la fois intime, sociale et économique de notre monde paysan qui, parfois, prend des airs de carte postale.

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Veut-on nourrir le monde ? Franchir l’Everest alimentaire en 2050.

17/04/2024

Parlons de nous

C’est le titre du dernier ouvrage de Sébastien Abis, qui était l’invité de la Matinagri d’AgirAgri du 15 mars 2024, organisée pour la première fois avec Agridées et en simultanée dans les cabinets membres du groupement.

Dans « Veut-on nourrir le monde », Sébastien Abis nous convie à une exploration des enjeux cruciaux qui entourent l’agriculture et l'alimentation au 21e siècle. Un siècle inédit, un siècle en cloche, avec un pic démographique à 10 ou 11 milliards d’habitants (aujourd’hui nous sommes 8 mds, c’est déjà 2 mds de plus qu’il y a 20 ans) pendant peut-être 20 ou 40 ans, avant une décroissance naturelle imputable à une chute de la fécondité qu’on observe déjà et qui s’accélère. « Il n’y a pas de planète B », assène Sébastien Abis qui cristallise dans cet ouvrage nerveux, prospectif et grand public, les questions qui le tourmentent, les incertitudes qui l'assaillent et les défis monumentaux qui se dressent devant l'humanité.
Pour symboliser la complexité inhérente aux questions agricoles contemporaines, il utilise la métaphore vertigineuse de l'Everest. Ce choix narratif évoque non seulement la grandeur des défis qui nous attendent, mais aussi la nécessité impérieuse d'une action collective et résolue. L’Everest alimentaire, c’est combiner une intensification de la sécurité alimentaire sur une scène internationale sacrément sismique avec une réduction des émissions de carbone.
Cela nécessite un changement de mentalité et des actions concertées à l'échelle mondiale. « Ayons le courage de parler de carbones vitaux – notre alimentation –, et de carbones superflus – nos loisirs –. Et n’oublions pas que dans le bilan carbone agricole, soit 25 % des émissions totales mondiales, le premier qui crame ce carbone, ce n’est pas l’agriculteur mais bien le consommateur ! »

Une nécessaire solidarité internationale

« L’agriculture n’est pas finie, quoi qu’en pensent certains en Europe. Même chez nous, il va falloir continuer à manger d’autant que dans le monde, des acteurs sont déterminés à fragiliser d’autres pays, affirme Sébastien Abis. Pour cela, il faut retrouver du bon sens, prioriser, hiérarchiser les grandes politiques publiques… sans être naïfs ». Ainsi pour lui, la Pac n’est pas un coût mais un investissement. Et le juste prix, n’est pas le plus bas – « c’est un raisonnement du siècle dernier » – mais celui qui est bon pour la planète, pour l’agriculteur, pour sa santé et son territoire. Sébastien Abis remet en question la notion de souveraineté alimentaire, « versant instable de l’Everest », en soulignant qu'elle ne peut être véritablement efficace que si elle est ancrée dans la solidarité, tant à l'échelle nationale, européenne que mondiale. Il met en garde contre une approche de compétition et de confrontation dans laquelle la souveraineté alimentaire se transforme en isolement et en enfermement.
Son ouvrage est un appel vibrant à « l'ardeur joyeuse », à la « lucidité stratégique » et à « l'engagement collectif ». « Sans ça, nous risquons de rester figés, tels des alpinistes mal préparés face à l’Everest », courant le risque de ne jamais atteindre notre objectif. Sébastien Abis nous exhorte à œuvrer ensemble pour un avenir meilleur : « Oui à la production, oui à l’entreprenariat agricole. Donc parlons profitabilité, soutenabilité, portabilité des entreprises agricoles, parlons de dé-risquer les entreprises agricoles dans un monde qui va être de plus en plus risqué et pas uniquement sur le plan climatique. Et n’oublions pas que le premier quart de ce siècle s’en est allé. On se souvient tous du coup de tête de Zidane en 1998, mais 2050 est plus près ! »

VOIR L'EXTRAIT EN VIDÉO

NOUVELLE FORMULE

Vendredi 15 mars, AGIRAGRI inaugurait sa nouvelle formule de Matinagri. Après plus d’une décennie au Café Procope, à Paris, c’est désormais dans les locaux d’Agridées que va s’organiser ce rendez-vous périodique. Pour le fond, pas de changement : un intervenant de haute volée, proche ou au cœur de l’univers agricole. Pour la forme : toujours des invités choisis… et, nouveauté,  une installation technique adaptée pour une diffusion en direct et silmultanée vers les cabinets membres du groupement, qui peuvent ainsi organiser leur Matinagri “à domicile”.

 

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La baisse de l’inflation est-elle en train de se réaliser ?

17/04/2024

En mars 2024, l’inflation des prix était proche de 2,3 % sur 12 mois. Serait-ce le signe d’un retour à la normale et par conséquent un retour à des taux d’intérêt moins angoissants ?
C’est certes un rythme annuel beaucoup plus faible que ceux que nous avons connu depuis trois ans, mais ce n’est pas un retour au niveau de prix que l’on connaissait avant la crise Covid et surtout, la guerre d’Ukraine. Depuis 2019, ce niveau a progressé de 16 %. Quand on regarde les bénéfices du CAC 40, il est clair que la plupart des grandes entreprises ont profité de cet épisode pour augmenter leurs prix grâce aux positions de monopole qu’elles occupent souvent.
Pour les prix à la consommation, le ralentissement est dû en partie à ceux de l’alimentation, qui augmentent seulement de 1,7 % sur 12 mois et baissent même de 3,9 % pour les seuls produits frais. On note aussi un ralentissement des prix de l’énergie qui n’augmentent plus que de 3,4 % en 12 mois. Les prix des produits agricoles à la production baissent quant à eux, de 1,5 % sur un an. Ils n’avaient pas baissé sur un an depuis décembre 2020. Mais ils se situent à + 25 % depuis mars 2021 et + 32 % par rapport à mars 2019.
Les prix d’achat des moyens de production diminuent en un mois mais progressent de 3,2 % en 12 mois. Ils sont 27 % plus élevés qu’en mars 2021 et 31 % plus élevés qu’en mars 2019.

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Commerce extérieur

17/04/2024

Le solde du commerce extérieur des produits agroalimentaires est en forte baisse par rapport à l’année 2022. Cela s’explique par le niveau anormalement élevé du prix des céréales en 2022. L’excédent de ce secteur est revenu à 6,9 milliards € (md€) contre 10,6 md€ en 2022.
Par ailleurs, le déficit des fruits et légumes augmente cette année encore de 500 millions d’euros (M€). En revanche, le déficit des produits de la pêche diminue de 600 M€. L’excédent des boissons baisse de 800 M€ après le record de 2022 à 16 Md€. C’est principalement dû aux spiritueux car l’excédent des vins et champagne ne perd que 300 M€ et reste à près de 11 Md€ en 2023.

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Le quart des chefs d’exploitations agricoles sont des femmes

17/04/2024

Une nouvelle publication du ministère de l’agriculture vient de paraître sur les femmes chefs d’exploitation. Elles sont 132 000 dans le recensement de 2020. Mais dans les ¾ des cas, il s’agit des petites ou très petites exploitations, c’est-à-dire pour ces dernières, entre deux, qui dégagent moins de 25 000 € par an de production commercialisable. On est donc encore très loin de la parité !
Les femmes sont présentes dans toutes les catégories d’exploitation mais particulièrement dans les filières d’élevage comme les équidés, ovins et en viticulture.
De son côté, la MSA aussi vient de faire un point sur la place des femmes en agriculture. Elles sont 36 % entre 35 et 49 ans et 46 % entre 50 et 65 ans. Seule une sur deux (52 %) a son conjoint qui travaille dans le domaine agricole. 46 % sont issues d’une famille agricole, 30 % d’une famille rurale non-agricole et 24 % d’une famille citadine. Autre fait marquant : 37 % ont intégré le monde agricole dans le cadre d’une reconversion professionnelle. L’agriculture est très clairement pour elles un choix de cœur. Mais, en plus des inconvénients liés au métier, les femmes en agriculture cumulent d'autres tourments : elles sont aussi en manque de reconnaissance, non seulement de l'ensemble de la société mais également de leurs pairs et acteurs de leur secteur.

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