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Les comptes courants d’associés, 
une bombe à retardement

17/10/2023

Droit et Gestion

Les comptes courants d’associés (CCA) peuvent constituer une dette de la société remboursable à tout moment. Il est essentiel de surveiller leur évolution. La solution recommandée par les experts du groupement AGIRAGRI tient en un mot : anticiper !

Tout associé d’une personne morale est détenteur d’un compte courant ouvert à son nom dans la comptabilité générale de la société. Figurent au crédit de ce compte, notamment les sommes apportées par l’associé à la société, les rémunérations mises à disposition ou les bénéfices distribués par la société. Et au débit, les montants prélevés ou les déficits imputés. Un solde créditeur représente donc une somme laissée à la disposition de la société par ses associés, c’est-à-dire une dette de la société vis-à-vis des associés et donc une créance personnelle de ceux-ci sur la personne morale.
Dans le secteur agricole, le montant de ces créances d’associés est généralement important par suite des priorités budgétaires accordées au financement du cycle d’exploitation (portage de stocks à rotation lente, de créances clients, remboursement de dettes à court terme, etc.). Le paiement des associés étant souvent reporté à des jours meilleurs ou limité, en fonction et au-fur-et-à-mesure des possibilités offertes par la trésorerie résiduelle de la société.
En période de crise économique et financière comme celle que le secteur agricole subit actuellement, il n’est pas rare que s’ajoute l’obligation, pour les associés, de devoir davantage soutenir l’activité de la société pour lui permettre de faire face à ses échéances courantes. Ce soutien prend la forme d’apports de sommes importantes prélevées sur les patrimoines privés des associés et qui augmentent significative cette catégorie de dettes de la société.
Or, les comptes courants d’associés (CCA) présentant un solde créditeur sont dits « remboursables à tout moment », même en l’absence de trésorerie le permettant ! Cette situation fait peser sur la société un risque important en cas de mise en demeure par un ou plusieurs associés de rembourser tout ou partie de leurs créances. Ce risque qui croît sensiblement en période de crise économique avec notamment le durcissement des possibilités de prêts bancaires et les limites de la société (et de l’associé à titre personnel) à pouvoir rembourser ses emprunts en cours.

Du poison en héritage

Les spécialistes du groupement AGIRAGRI attirent l’attention de leurs clients sur un autre danger : celui lié au décès de l’associé porteur de la créance de compte courant. Une vraie bombe à retardement lorsque les CCA sont créditeurs de montants importants ! En effet, si le CCA est une dette à court terme de la société vis-à-vis de son associé, en cas de décès de celui-ci, ses héritiers se voient transmettre, outre les titres de la société (parts sociales ou actions), la créance de compte courant qui rentre ainsi dans l’actif successoral.
Les titres transmis peuvent bénéficier du dispositif fiscal de faveur dit Dutreil (CGI art. 787 B) permettant – toutes conditions remplies par ailleurs – de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur des titres en cas de mutation à titre gratuit (par décès ou par donation). Pour calculer la valeur des titres à la date de l’évènement, il est retenu une valeur déterminée à partir de plusieurs méthodes pondérées.

Une de ces méthodes consiste à valoriser la société à partir de la valeur vénale de ses actifs sous déduction du passif exigible qui comprend les CCA créditeurs (méthode dite de l’actif net réévalué). Retenons cette seule méthode pour les besoins de la démonstration. Appliquer un abattement Dutreil de 75 % sur la valeur du titre transmis revient donc à ne retenir le montant de la dette de CCA qu’à concurrence de 25 %.

Exemple simplifié :

  • Actif réévalué de la société : 1 000
  • Passif exigible réduit au seul compte courant du défunt : 200
  • Valeur des titres limitée à la seule méthode de l’actif net : 1 000 – 200 = 800
  • L’actif de succession comprendra :

                                - Les titres de la société (patrimoine professionnel) : 800 sous déduction de l’abattement de 75 % dit Dutreil : 200, c’est-à-dire :
                                               - Actif réévalué : 1 000 x 25 % = 250
                                               - Passif (Compte courant d’associé) : 200 x 25 % = 50.

                               - Le montant de la créance de CCA (patrimoine privé) : 200 (aucun abattement).

Autrement dit, le compte courant d’associé créditeur comptera pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit, seulement pour 50 dans la valeur des titres transmis et pour 200, soit sa valeur réelle, dans celle de la créance personnelle transmise. Le coût des droits de mutation à titre gratuit pourra donc être significativement augmenté en présence de montants importants de la créance de CCA.

Une gestion proactive des dettes d’associés

En s’y prenant suffisamment tôt, partant du constat que le montant de la dette de CCA dépasse de loin les capacités normales de remboursement de la société, il pourra être envisagé de convertir tout ou partie de celle-ci en titres de la société. La société procèdera ainsi à une augmentation de capital social, libérée par compensation avec tout ou partie du montant de la créance de CCA qui s’en trouvera réduite d’autant. L’associé pourra ultérieurement souscrire pour ces titres (ou tous ceux qu’il détient) un engagement de conservation dit Dutreil. Bien évidemment cette opération étant susceptible de modifier la répartition du capital social entre les associés, elle devra être considérée dans ses conséquences et solutions pour maintenir ou non cet équilibre.
En période de crise, il est fréquent que le résultat comptable de l’exercice soit déficitaire avec plusieurs conséquences dont celle de diminuer le montant des capitaux propres de la société. Une situation comptable intermédiaire ou un prévisionnel notamment, permettent d’anticiper cette situation. L’associé peut alors décider, avant la date de clôture de l’exercice et à titre d’aide à la société, d’abandonner temporairement ou définitivement, tout ou partie de sa créance de compte courant au profit de celle-ci. Selon le principe « qui ne paye pas ses dettes s’enrichi », il en résulte pour la société dont le passif exigible diminue, un produit exceptionnel qui sera comptabilisé dans le compte de résultat de l’exercice. Ce produit exceptionnel compensera ainsi tout ou partie du déficit comptable. Cet abandon pourra le cas échéant, être assorti d’une clause dite de retour à meilleure fortune, pour que lorsque les conditions définies dans cette clause seront réunies, le montant abandonné temporairement soit réinscrit au crédit du compte courant avec une contrepartie comptable en charges exceptionnelles dans le résultat de l’exercice (ou des exercices) de retour à meilleure fortune. Cette solution améliore le ratio « capitaux propres / dettes » de la société, ratio auquel les banquiers sont sensibles ! Enfin, notons que cette opération comptable peut avoir une incidence fiscale qu’il conviendra d’étudier avec les conseils du groupement AGIRAGRI.

En situation bénéficiaire cette fois, il sera prudent d’affecter le résultat en comptes de réserves pour éviter d’augmenter les soldes créditeurs des CCA notamment pour le cas où la société ne pourrait payer ces sommes aux associés. Cette solution aura l’avantage de consolider aussi les capitaux propres de la société et de rééquilibrer le ratio « capitaux propres / dettes » (y compris celles vis-à-vis des associés).

Une dette re-finançable

Enfin, même si la crise actuelle limite fortement les capacités d’emprunt, rappelons que la dette de compte courant d’associés fait partie des dettes de la société. A ce titre, elle peut être refinancée par emprunt. Elle peut aussi être réduite par compensation avec la valeur d’un bien détenu par la société que ce soit un stock, un matériel voire un immeuble.
Une autre conséquence de cette inscription comme dettes de la société est l’impact sur son ratio de trésorerie nette que ce soit pour les prêteurs nous l’avons dit, mais aussi pour… l’octroi et le montant des subventions agricoles ! En effet, nombre de dispositifs d’aides dépendent d’indicateurs économiques et financiers, notamment celui de « Trésorerie nette ». Lorsque les montants importants des CCA sont pris en compte dans le calcul de cet indicateur, l’impact sur le taux d’endettement de l’entreprise peut aller jusqu’au rejet pur et simple du dossier (cas de taux négatif) ou faire varier dans des proportions très importantes le montant de l’aide. La demande de calculer cet indicateur sur trois exercices successifs (cas des aides FranceAgriMer) plaide là encore, pour anticiper la maîtrise des CCA !

Olivier Augeraud, expert-comptable honoraire consultant AGIRAGRI

 

Attention aux CCA débiteurs
En principe et contrairement aux sociétés commerciales, les sociétés civiles agricoles peuvent avoir un compte courant présentant un solde débiteur. Mais, c’est fortement déconseillé. En effet, cette non-interdiction résulte notamment, de la responsabilité solidaire et indéfinie de tous les associés au paiement des dettes de la société sur leurs biens propres. En cas de redressement judiciaire de la société, si l’associé ne peut rembourser sa dette, la procédure pourra être étendue à son patrimoine privé. En cas de mariage, l’étude du régime matrimonial des époux revêt donc une importance toute particulière. Enfin en cas de décès, la dette de l’associé est transmise à ses héritiers avec toutes les conséquences financières pour eux et les risques de discorde dans la famille !
Notons aussi que cette situation débitrice expose à un risque fiscal et social s’agissant de prélèvements non justifiés qui pourraient être assimilés à des revenus distribués. Dans cette situation, il est conseillé de fixer une rémunération de l’associé concerné qui soit égale ou supérieure aux montants de ses prélèvements. Il sera étudié toutes les possibilités de remboursement par l’associé au moyen de financements personnels (épargne, vente de biens). Juridiquement, il pourra être procédé à une réduction du capital social avec imputation sur la créance de la société ; cette solution ayant toutefois l’inconvénient de modifier la répartition du capital social entre les associés outre la limite même du montant des capitaux propres à permettre cette opération.

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