La loi de finances pour 2024, publiée au Journal Officiel du 30 décembre 2023, et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, publiée le 27 décembre, contiennent des mesures destinées à soutenir les trésoreries des agriculteurs. Voici l’essentiel à retenir.
Des mesures fiscales exceptionnelles
La loi de finances pour 2024 pérennise la déduction pour épargne de précaution (DEP) au-delà de 2025 et relève exceptionnellement ses plafonds annuels pour l’IR dû au titre de 2024 à la place de l’actualisation annuelle prévue à l’art. 73, 1-4 du code général des impôts qui n’aura pas lieu en 2024.
Par exercice de douze mois, le montant de la déduction est plafonné à :
- 100 % du bénéfice imposable, s’il est inférieur à 32 608 € (au lieu de 28 612 €) ;
- à 32 608 €, majorée de 30 % du bénéfice excédant cette limite, lorsqu’il est supérieur ou égal à 32 608 € et inférieur à 60 385 € (au lieu de 52 985 €) ;
- à 40 942 € (au lieu de 35 924 €), majorée de 20 % du bénéfice excédant 60 385 €, lorsqu’il est supérieur ou égal à 60 385 € et inférieur à 90 579 € (au lieu de 79 478 €) ;
- à de 46 979 € (au lieu de 41 222 €), majorée de 10 % du bénéfice excédant 90 579 €, lorsqu’il est supérieur ou égal à 90 579 € et inférieur à 120 771 € (au lieu de 105 970 €) ;
- à 50 000 € (au lieu de 43 872 €), lorsque le bénéfice imposable est supérieur ou égal à 120 771 € (au lieu de 105 970 €).
A noter que pour les Gaec et EARL relevant de l’IR/BA, ces plafonds sont multipliés par le nombre d’associés exploitants dans la limite de 4. Précisons que le plafond de 150 000 € de déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat imposable, reste lui inchangé.
Par ailleurs, les seuils de chiffre d’affaires hors-taxes, ramenés le cas échéant à douze mois, permettant de bénéficier d’une exonération totale (de 250 000 à 350 000 €) ou partielle (de 350 000 à 450 000 €) sur les plus-values de cession professionnelles (article 151 septies du CGI) sont relevés pour les seules entreprises exerçant une activité agricole. Attention et dans l’attente d’un décret à paraître, le texte tel qu’adopté, conduirait à devoir réintégrer à l’assiette sociale des TNSA, le montant des plus-values à court terme exonérées fiscalement au titre de ce dispositif. D’après nos informations, la profession agricole entend faire évoluer ce texte avant son entrée en vigueur au 1er janvier 2026 et rétablir la non-prise en compte des plus-values à court terme exonérées sur la base des dispositions des articles 151 septies ou 238 quindecies CGI dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
Le plafond de la moyenne des recettes des trois dernières années pour l’application du régime micro-BA est exceptionnellement revalorisé pour passer de 91 900 € à 120 000 € (la dernière revalorisation date de 2023 conformément à l’actualisation légale prévue tous les trois ans). Ces dispositions s’appliquent à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2024 et des années suivantes.
La loi étend également le régime du forfait forestier au bénéfice agricole provenant de la captation de carbone réalisée dans le cadre de projets forestiers labélisés « Bas carbone » destinés à assurer un reboisement ou la reconstitution de peuplements forestiers dégradés. Ce dispositif s’applique à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2023 et suivantes.
La loi de finances aligne le traitement fiscal des indemnités journalières versées au titre d’un régime d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles aux exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition sur celui des salariés, en exonérant ces indemnités à hauteur de 50 % de leur montant. Restent totalement exonérées, les indemnités journalières maladies versées en cas d’affection entraînant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse.
Les éleveurs ciblés
Pour enrayer la dégradation de la trésorerie des éleveurs dans un contexte marqué par la hausse inédite des coûts de production, notamment des matières premières agricoles, la loi instaure une déduction fiscale temporaire. Elle permet aux exploitants imposés au réel dans la catégorie des bénéfices agricoles (BA) de pratiquer une provision extracomptable pour augmentation de la valeur de leurs stocks de vaches laitières et de vaches allaitantes lorsqu’il est constaté, à la clôture de l’exercice, une hausse de la valeur unitaire de ces stocks supérieure à 10 % par rapport à la valeur unitaire de ces mêmes stocks déterminée précédemment. Le montant de la provision est égal à 150 € par vache inscrite en stock à la clôture de l’exercice au titre duquel la provision est pratiquée, plafonné à 15 000 €. Ce plafond est multiplié par le nombre d’associés, dans la limite de 4 pour les Gaec et EARL.
En pratique, il s’agit d’un décalage d’imposition. En effet, la déduction est rapportée au résultat imposable de l’exercice de cession ou de sortie de l’actif de l’animal et au plus tard le 6ème exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.
Ce dispositif fiscal s’applique aux exercices clos à du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2024. L’exploitant devra choisir avec son conseil membre du groupement AGIRAGRI entre l’application de ce nouveau dispositif et celui déjà existant de blocage fiscal de la valeur des stocks à rotation lente censé répondre à la même problématique (art. 72 B Bis du CGI – dispositif fiscal et pas social). Notons enfin que ces deux dispositifs sont soumis à l’encadrement dit de minimis agricole (abattement pour JA, crédits d’impôt AB, HVE, DPE, blocage de la valeur des stocks à rotation lente, etc.).
Deux dispositions concernent la filière équine :
Les pêcheurs professionnels et armateurs à la pêche (hors pêche en eaux douces) pourront bénéficier d’un droit à déduction alors même que les opérations de vente auxquelles ces charges (et immobilisations) se rattachent sont exonérées de TVA.
Le dégrèvement temporaire, sous conditions, de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) est prorogé en faveur des parcelles comprises dans le périmètre d'une association foncière pastorale à laquelle leurs propriétaires adhèrent. Ce dispositif qui devait prendre fin en 2023 est ainsi reconduit jusqu’en 2026.
Deux mds € pour l’installation
La loi mobilise deux milliards d’euros pour alimenter un fonds afin de garantir les prêts contractés par les exploitants, dont au moins 400 M€ seront fléchés vers l’élevage. Ces prêts garantis sont destinés à accompagner l’installation de nouveaux agriculteurs afin d’assurer le renouvellement des générations ainsi que des projets de transformation des systèmes de production pour l’adaptation au changement climatique et l’évolution vers des pratiques agroécologiques. Le fonds est autorisé à couvrir un encours maximal, en principal, intérêts et accessoires, de deux milliards d’euros. Les garanties sont octroyées à titre gratuit et ne peuvent couvrir une quotité supérieure à 80 %.
En termes de transmission d’entreprises professionnelles, les activités éligibles aux dispositifs de faveur dits Dutreil (Art. 787 B du CGI pour les sociétés et 787 C du CGI pour les entreprises individuelles) sont précisés :
Notons que la loi relève de 300 000 € à 500 000 € le montant de l’abattement applicable sous conditions, en cas de cession en pleine propriété à des proches ou à des salariés, d’un fonds notamment agricole (mais aussi de commerce ou artisanal, de clientèle etc.) ou la quote-part de la valeur de titres d’une société représentant ce fonds.
Une aide aux filières
La garantie de l’Etat pourra être accordée au conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux au titre d’un prêt ne pouvant avoir une maturité supérieure à vingt ans pour le financement de primes à l’arrachage des vignes, dans la limite d’un montant en principal de 14 millions d’euros. Une garantie de l’Etat pourra aussi bénéficier aux établissements d’abattage et de découpe présentant un intérêt stratégique pour une filière ou pour un bassin de production au titre de prêts qui leur sont octroyés.
La loi prévoit que les parts sociales d’épargne (PSE) des coopératives agricoles donnent droit à un intérêt dont les statuts peuvent fixer le taux deux points au-dessus de celui des parts sociales d’activité.
Dispositions sociales
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 permet aux personnes qui exercent, à titre professionnel, une activité agricole sur des surfaces inférieures au quart de la surface minimale d’assujettissement (SMA) ou d’une durée inférieure à 150 heures annuelles de travail, et qui tirent de cette activité un revenu professionnel significatif d’au moins 800 Smic d’être affiliées au régime social des non-salariés agricoles en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole. Le législateur adapte ainsi les règles actuelles à une nouvelle génération, notamment en zone urbaine, qui s’installe sur des surfaces plus réduites.
L’ensemble des cotisations et contributions sociales (CSG-CRDS) des travailleurs indépendants sera calculée sur une assiette unique constituée à partir d’un revenu correspondant au chiffre d’affaires après déduction des charges professionnelles hors cotisations et contributions sociales, auquel s’applique un abattement forfaitaire de 26 %. Cette mesure s’appliquera à l’agriculture à compter du 1er janvier 2026.
Pérennisé, le Tesa simplifié entre dans l’environnement DSN, sans évolution du périmètre de formalités et des contrats concernés. Les avancées sont liées à l’ergonomie et la saisie dont les fonctionnalités sont améliorées (réutilisation des infos déjà stockées, possibilité de reprendre des données des bulletins de paie…). Attention aux pénalités en cas de dépassement des délais de déclaration ! Le décompte sera visible dans l’interface. Il n’y aura plus de facture papier. La date limite de paiement est alignée sur celle du TESA+, soit le 25 du mois suivant la déclaration.
Enfin, à partir du 1er janvier 2026, les salariés d’un groupement d’employeurs (GE) mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres ne seront plus pris en compte dans l’effectif du groupement. Les salariés sont pris en compte par l’entreprise utilisatrice à due proportion de leur temps de travail, pour le calcul de ses effectifs, sauf en ce qui concerne l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles
Arielle Delest et Olivier Augeraud