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Abattage rituel : l’étourdissement est possible

17/12/2020

Actus Agricoles

Afin de promouvoir le bien-être animal dans le cadre de l’abattage rituel, les États membres peuvent, sans méconnaître les droits fondamentaux consacrés par la Charte, imposer un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal, a indiqué la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 17 décembre 2020.

L’affaire a aussi faire rage en France. Mais c’est une décision Belge qui a été soumise à la CJUE en 2017.  Un décret de la Région flamande du 7 juillet 2017, portant modification de la loi relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, a interdit l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable, y compris pour les abattages prescrits par un rite religieux.

Ce texte a notamment été contesté par plusieurs associations juives et musulmanes, demandant son annulation totale ou partielle. Selon elles, en ne permettant pas aux croyants de se procurer de la viande provenant d’animaux abattus conformément à leurs préceptes religieux, lesquels s’opposeraient à la technique de l’étourdissement réversible, le décret méconnaît le règlement n°1099/2009 et par suite, empêche les croyants de pratiquer leur religion.

C’est dans ce contexte que le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle de Belgique) a décidé de saisir la CJUE à titre préjudiciel (1) afin de savoir, principalement, si le droit de l’Union s’oppose à la réglementation d’un État membre qui impose, dans le cadre de l’abattage rituel, un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal. Cette question amène la Cour, pour la troisième fois, à mettre en balance la liberté de religion, garantie par l’article 10 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et le bien-être animal, tel qu’énoncé à l’article 13 TFUE et concrétisé dans le règlement no 1099/2009.

La CJUE relève, tout d’abord, que le principe de l’étourdissement de l’animal préalablement à sa mise à mort, posé par le règlement n°1099/2009, répond à l’objectif principal de protection du bien-être animal poursuivi par ce règlement. À cet égard, si le règlement admet la pratique de l’abattage rituel, dans le cadre duquel l’animal peut être mis à mort sans étourdissement préalable, cette forme d’abattage n’est cependant autorisée qu’à titre dérogatoire dans l’Union et uniquement afin d’assurer le respect de la liberté de religion. Par ailleurs, les États membres peuvent adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux, au moment de leur mise à mort, une plus grande protection que celle prévue par le règlement n°1099/2009 dans le domaine de l’abattage rituel.

Toutefois, ce règlement ne procède pas lui-même à la conciliation nécessaire entre le bien-être des animaux et la liberté de manifester sa religion, mais se borne à encadrer la conciliation qu’il incombe aux États membres d’effectuer entre ces deux valeurs. Autrement dit, ce règlement ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent une obligation d’étourdissement préalable à la mise à mort des animaux qui s’applique également dans le cadre d’un abattage prescrit par des rites religieux, pour autant toutefois que, ce faisant, les États membres respectent les droits fondamentaux consacrés par la Charte.

S’agissant précisément de la question de savoir si le décret respecte ces droits fondamentaux, la CJUE rappelle que l’abattage rituel relève de la liberté de manifester sa religion, garantie à l’article 10, paragraphe 1, de la Charte. En imposant, dans le cadre d’un abattage rituel, un étourdissement réversible, contrairement aux préceptes religieux des croyants juifs et musulmans, le décret emporte ainsi une limitation à l’exercice du droit à la liberté de ces croyants de manifester leur religion.

Afin d’apprécier si une telle limitation est permise, la CJUE constate tout d’abord que l’ingérence dans la liberté de manifester sa religion résultant du décret Belge est bien prévue par la loi et, de surcroît, respecte le contenu essentiel de l’article 10 de la Charte dès lors qu’elle se limite à un aspect de l’acte rituel spécifique que constitue ledit abattage, ce dernier n’étant en revanche pas prohibé en tant que tel.

La Cour relève ensuite que cette ingérence répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir promouvoir le bien-être animal.

Dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la limitation, la CJUE conclut que les mesures que comporte le décret permettent d’assurer un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion. À cet égard, elle constate :

- En premier lieu, que l’obligation d’étourdissement réversible est apte à réaliser l’objectif de la promotion du bien-être animal.

- En deuxième lieu, en ce qui concerne le caractère nécessaire de l’ingérence, la Cour souligne que le législateur de l’Union a entendu reconnaître à chaque État membre une ample marge d’appréciation dans le cadre de la conciliation de la protection du bien-être des animaux lors de leur mise à mort et du respect de la liberté de manifester sa religion. Or, un consensus scientifique s’est formé quant au fait que l’étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l’animal au moment de sa mise à mort.

- En troisième lieu, s’agissant du caractère proportionné de cette ingérence, la Cour observe, tout d’abord, que le législateur flamand s’est fondé sur des recherches scientifiques et qu’il a entendu privilégier la méthode de mise à mort autorisée la plus moderne. Elle relève, ensuite, que ce législateur s’est inscrit dans un contexte sociétal et normatif en évolution, qui se caractérise par une sensibilisation croissante à la problématique du bien-être animal. Enfin, la Cour constate que le décret n’interdit ni entrave la mise en circulation de produits d’origine animale provenant d’animaux qui ont été abattus rituellement lorsque ces produits sont originaires d’un autre État membre ou d’un État tiers.

En conclusion, la CJUE juge que le règlement n°1099/2009, lu à la lumière de la Charte, ne s’oppose pas à la réglementation d’un État membre qui impose, dans le cadre de l’abattage rituel, un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal. Par ailleurs, la CJUE confirme la validité du règlement au regard des principes d’égalité, de non-discrimination et de diversité culturelle, religieuse et linguistique, tels que garantis par la Charte.

(1) Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d'un litige dont elles sont saisies, d'interroger la CJUE sur l'interprétation du droit de l’UE ou sur la validité d'un acte de l’UE. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l'affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

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