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La blockchain donne une nouvelle dimension aux échanges

17/04/2019

Interview

 

On a découvert la blockchain et la monnaie bitcoin en 2017-2018. Quelles en sont les implications ?

La blockchain va bien au-delà du phénomène financier des bitcoins. C’est un protocole qui permet d’envisager une nouvelle dimension des transactions et des échanges, de pairs à pairs, sans intermédiaire. Mais c’est une technologie difficile à appréhender car elle est liée à la cryptographie, aux mathématiques et à l’informatique.

Le mot blockchain ne décrit qu’une composante d’un protocole d’échange plus large. On va parler du protocole Bitcoin, qui est un programme. On va parler de la blockchain de Bitcoin qui est le registre distribué sur un ensemble d’ordinateurs (chaîne de blocks). Le bitcoin est une monnaie digitale, une cryptomonnaie. La terminologie est importante.

Comment est né ce protocole des blockchains ? 

En 2008, à la sortie de la crise financière, un anonyme – ou un groupe –, au profil crypto-anarchiste ou cyberpunk, qui se fait appeler Satoshi Nakamoto, a publié en « open source » (ouvert), ce qui s’appelle un « white paper » autrement dit neuf pages expliquant comment il allait créer le protocole bitcoin avec sa monnaie virtuelle.

Pour créer une monnaie digitale, il faut pouvoir assurer la confidentialité des échanges, leur cryptage et résoudre le problème de la double dépense. On maîtrisait les deux premiers. Satoshi Nakamoto a apporté une solution au troisième : la blockchain, ou registre de blocs. Cette technologie marque ad vitam aeternam les échanges, la même chose ne peut donc être échangée avec deux personnes différentes.

Sur quoi se base cette monnaie digitale ?

Sur rien. Au même titre que le dollar n’est plus basé sur aucune réalité concrète depuis la fin des accords de Breton Woods, au début des années 70. On revient à des visions de la société proches de l’école autrichienne de Hayec ou Walras, celle d’un État qui laisse l’émission de la monnaie au marché.

Les gens qui mettent en cause la validité du bitcoin oublient que personne ne sait combien de dollars sont en circulation sur la planète alors qu’on sait qu’il y aura exactement 21 millions de bitcoins créés d’ici 2140 (1). L’ensemble de l’économie et des échanges tient aujourd’hui sur notre confiance dans le dollar ou dans les autres monnaies fiduciaires dites « fiat » (Qu’il en soit ainsi en latin). Or, cette confiance peut être trahie. Avec la blockchain, le code informatique devient la loi. Plus besoin de confiance. Le code ne trahit pas.

Comment cette technologie va influencer nos échanges ?

L’objectif de la blockchain est de décentraliser les échanges. Ce n’est donc pas anodin que cela ait été créé par un anonyme. Cela permet d’initier une collectivité et ne pas partir sur une nouvelle société centralisée comme Microsoft, Apple ou Google. Aujourd’hui, les 9 pages valent près de 100 milliards de dollars. C’est quand même incroyable !

On peut considérer que le bitcoin c’est la première blockchain. Ensuite, il y a eu « Ethereum » et la création, toujours « open source », du « smart contract » (contrat intelligent), un programme qui automatise des tâches. Grâce à lui, les échanges peuvent être conditionnés. Par exemple, vous prenez une assurance pour les retards de vols d’avions. Aujourd’hui, c’est compliqué et coûteux à mettre en œuvre. Le passager doit faire des démarches sans fin, les preuves sont difficiles à apporter. Avec cette technologie, tout est automatique. La souscription à l’assurance déclenche le smart contract qui déclenche un programme qui scanne les vols et enclenche un remboursement automatique dès que les conditions du contrat ne sont pas respectées. Aucune démarche pour l’assuré, aucun coût pour l’assurance.

La 3e génération de blockchains arrive : les DAO « Decentralize autonomous organization » (organisation autonome décentralisée). Elles permettent de combiner des protocoles d’échange et des smart contracts pour gérer des structures collectives humaines, autostructurées. Ces organisations vont permettre d’arriver à un état de marché plus proche de la concurrence libre et parfaite grâce à une information transparente, la même pour tout le monde. Et en même temps, chaque acteur pourra faire valoir sa valeur ajoutée. Ces capacités, comme celles de la machine à vapeur en son temps, vont avoir des impacts sociaux-économiques énormes ! Le collectif Aragon nous en donne une illustration avec la création du concept de démocratie liquide : en fonction de votre implication dans le collectif, votre classement vous donnera accès ou non à un vote direct.

Cela semble ridicule, voire un peu effrayant !

Pour vous répondre, je citerai le philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) : « toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence ». Vous verrez, dans cinq ans, la blockchain fera partie de notre quotidien.

Le digital permet l’échange de données et l’avènement de l’économie de la connaissance. Si vous considérez les données comme des matières premières, si vous avez peur de les échanger, la connaissance ne va pas se développer. Alors que si vous les envisagez comme un élément de connaissance, grâce au numérique, vous ne perdez pas ces données. Mes données ajoutées aux vôtres, vous créez une tierce connaissance, des « métadonnées » et là, on a un échange non plus à somme nulle, mais 1+1=3. Multiplié par un ensemble d’acteurs, la capacité de développer la connaissance est infinie !

Et l’agriculture dans tout ça ?

La Présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, lors de l’inauguration d’un startup summit en novembre 2018, a déclaré : « les agriculteurs vont devoir produire avec moins d’intrants, moins de terres, moins de ressources, moins d’impacts environnementaux, ils auront donc besoin de plus de connaissances ». La blockchain va le permettre. Notre idée avec Smart Farmers est de mélanger des données publiques, des données privées, des données qui viennent de producteurs de données (masternotes), des algorithmes de création de valeur, pour développer la connaissance et permettre aux agriculteurs d’être plus efficients et d’améliorer leurs rendements ou leurs circuits de vente.

Pour favoriser ce partage des connaissances, nous attachons à chaque type de données un niveau de consentement (2). Qu’est-ce que j’ouvre, à qui ? J’attache ensuite un smart contract à ce niveau de consentement et comme c’est lié à la blockchain, personne n’ira au-delà du niveau de consentement que j’ai accordé. Je mets mes données à contribution. Derrière, des algorithmes d’intelligence artificielle viennent les chercher, les travaillent et les valorisent. Et je sors des tableaux de bord, des jeux de données complémentaires, des cartographies, de la « datavisualisation »... Et ça me permet de gagner en valeur ajoutée auprès de mes clients.

L’objectif est de permettre la plus large ouverture des données sans que cela devienne un système totalitaire où il n’y a plus de confidentialité. Mais au contraire, en permettant à chaque individu de conserver sa liberté, son autonomie, dans un collectif. 

    1.https://btcdirect.eu/fr-fr/combien-de-bitcoins-sont-en-circulation
    2.Principe du « zero knowledge proof », preuve à divulgation nulle de connaissance

Pour aller plus loin… le livre : BLOCKCHAIN Vers de nouvelles chaînes de valeur, éditions Eyrolles

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