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En transition vers l’agriculture du futur

17/12/2019

Portrait D'Avenir

Ingénieur Agriculteur, Adrien Pelletier se projette sur un projet à long terme ambitieux fondé sur une double transition agricole, biologique et de conservation.

Adrien Pelletier rêve d’une agriculture rentable et écologiquement responsable. Ingénieur agronome, il devient d’abord conseiller bio dans les réseaux FNAB et Chambre d’agriculture. Pendant trois ans, il voit des projets innovants se monter dans plusieurs régions de France, y trouve un intérêt intellectuel, une effervescence qui affûte son souci de transition agricole et ranime son envie entrepreneuriale. L’exploitation familiale pourrait être un bon socle de départ…

De son côté, Benjamin a aussi quitté leur Eure-et-Loir natal. Entre Dreux et Paris, la région-dortoir et conservatrice peine à retenir ses jeunes. Bricoleur, autodidacte, Benjamin a appris pendant 6 ans dans une ferme du Jura le métier de boulanger avec l’envie de créer sa propre entreprise. Partis de projets très différents, les deux frères rentrent à Broué pour s’installer ensemble paysans-boulangers (1).
En 2012, ils créent une EARL avec 50 ha loués à leurs parents. Dès le début, ils décident de les convertir en bio. Les céréales (blé tendre, épeautre, engrain, seigle…) sont transformées sur place en farine. Une partie sert à fabriquer leur pain (900 kg/jour), typé et rustique, l’autre est vendue à d’autres boulangers de la région ou à des meuniers.
Au four et au moulin, les deux frères ont une associée, Hélène, deux salariés et des objectifs économiques et de qualité de vie ambitieux. Ils ne travaillent ni la nuit, ni le weekend ni le mercredi après-midi et dégagent néanmoins un revenu mensuel de 1 500 € chacun la première année (avec les aides à la création d’entreprise) et 2 000 € dès la 2e année auxquels s’ajoutent les dividendes pour les associés. « Notre but était que ce soit vivable. Nous investissons donc aussi dans du matériel pour que le travail soit plus confortable ». La contrepartie, c’est le montant des prêts. « Les trois prochaines années seront décisives », avoue Adrien. Sa femme qui travaille dans la finance est impressionnée par son taux d’endettement, pourtant banal en agriculture.  La confiance de la banque, il sait qu’il la doit à ses parents qui lui ont transmis une entreprise saine. Cette transition familiale dans un contexte global complexe (transition du site de la ferme en parties professionnelles et privées, entreprises avec reprise et création…) a été menée avec succès sur une période de 3 ans avec Eric Quineau, du cabinet Fiteco de Chartres. Une démarche collective transparente a été mise en place en maintenant un suivi régulier et de nombreuses réunions avec autour de la table, les parents et les enfants repreneurs ou non, et tous les professionnels utiles à ce projet : avocat, expert foncier, expert-comptable, banquiers et notaire.

Au milieu des différentes variétés de blé, sur des bandes de 2 mètres tous les 36 mètres, Adrien plante des arbres. « L’arbre recrée un lien entre les agriculteurs et les citoyens. Personne n’est contre les arbres !», explique-t-il. L’idée amorcée dans le cadre de l’association agroforestière régionale A2RC (www.a2rc.fr) permet de dynamiser le territoire tout en réintroduisant de la biodiversité dans le système agricole pour agir sur les auxiliaires de cultures : « la présence de coccinelles permet par exemple de limiter les pucerons sur la féverole. L’impact sur la qualité et la quantité est direct ». La rentabilité du bois d’œuvre, quant à elle, est plus longue. Mais il a déjà fait ses calculs : « en taillant les 10 premières années, on s’assure un bois de qualité. Sur 10 ha, je peux dégager 200 000 € à l’échéance de 60 ans, soit une marge d’environ 330 €/ha/an. A condition que les imprimantes 3D ne remplacent pas tout le bois ! s’amuse-t-il. C’est un pari sur l’avenir, mais je suis confiant ».

Veiller à la résilience économique
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Adrien voit loin. « Je réfléchis beaucoup plus grand pour m’adapter au contexte local ». La région change, les mentalités évoluent et Adrien veut contribuer à redynamiser le territoire où il construit sa famille. En 2019, au départ à la retraite de ses parents, il reprend donc la ferme familiale et scinde la structure en deux SCEA pour se ménager des voies vers la transition agricole souhaitée. Sur la première (80 ha), il choisit de rester en conventionnel mais avec passage en semi-direct. Autrement dit, il s’oriente vers l’agriculture de conservation des sols. Sur la deuxième (220 ha), il a déjà obtenu de son père dès 2017, de convertir en bio les parcelles de céréales, betteraves sucrières et haricots verts. « C’est lui qui a pris tous les risques, confie Adrien. Mes parents soutiennent ma démarche écolo, mais ce n’était pas la leur ». Ils avaient une exploitation céréalière traditionnelle d’Ile de France, agrémentée par la production de pommes de terre et betteraves sucrières irriguées.

Adrien conserve leurs débouchés industriels mais veut progressivement introduire de nouvelles cultures intéressantes à intégrer dans un assolement bio au niveau économique et agronomique comme comme le lin, le chanvre ou les haricots secs. Mais il lui faut au préalable anticiper les problèmes de stockage, de tri, de marché, etc. Il en va de même pour diversifier les espèces d’arbres (fruitiers ou à fourrage) ou introduire de l’élevage dans son système. Alors il y va pas à pas. « Je suis encore pour 2 ou 3 ans en mode subi transmission-reprise. J’ai un parc matériel vieillissant que je dois renouveler petit-à-petit et adapter aux systèmes spécifiques de l’agriculture bio et de conservation ».
De surcroît, son père travaillait avec des agriculteurs voisins qui eux aussi partent en retraite. Adrien a dû embaucher dès son installation. « Je n’ai que peu de visibilité économique cette année et la transition avec les prix de conversion bio est tendue. L’enjeu est de taille : viser un projet écologique tout en développant économiquement la structure ! ».

Toujours innover
Mais Adrien garde le cap. « Je trouvais intéressant dans un premier temps de maintenir deux systèmes différenciés pour garder le matériel ». Mais à terme, il sait que les itinéraires techniques couramment utilisés en bio ne sont pas idéaux, car les nombreux passages mécaniques (labour, faux semis, désherbages mécaniques, déchaumages etc.) nuisent à une gestion de maintien et de la régénération de la fertilité du sol.

Le 2e système peut se faire sans glyphosate mais après quelques années de recul seulement… Son idée est donc de tendre vers une agriculture biologique de conservation (ABC). « Il n’y a pas de recette dans ce genre de modèle. Le mieux est d’être entouré, de faire à plusieurs, d’échanger avec d’autres expérimentateurs » (lire ci-contre). Car c’est en expérimentant qu’Adrien Pelletier avance : choix du matériel, des itinéraires techniques... Une partie de sa sole et de son budget est consacrée à la recherche et au développement.

« Idéalement, il faudrait y affecter 2 à 5 % du chiffre d’affaires », estime-t-il. Pour l’instant, son budget est contraint, d’autant qu’il s’est aussi lancé depuis 5 ans dans la sélection de blé bio pour pallier le déficit génétique en France, contrairement à l’Autriche, l’Allemagne ou la Suisse. Il lui faudra encore une dizaine d’années pour arriver à faire inscrire ses croisements. Les tests comme l’inscription ont un coût et Adrien cherche des mécénats pour l’aider à mener à bien ce projet de création de variétés de blé adaptées à la boulangerie. A bon entendeur !

(1) Adrien Pelletier est le co-auteur d’un guide (très) pratique, « Paysans-boulangers », disponible aux Editions France Agricole. Un ouvrage pour redonner de la valeur au grain.

 

Les Rencontres ABC
Dans sa phase de transition, Adrien Pelletier avoue volontiers qu’il en est plus à apprendre qu’à montrer. « J’ai mis moins de choses en place que d’autres car je ne peux pas me payer le luxe d’avoir des échecs. La transition vers le bio notamment sur 20 ha de betteraves, le changement de manière de travailler au niveau de la main d’œuvre, c’est déjà costaud, je ne peux pas faire de choix hasardeux sur l’itinéraire technique ». Parce qu’il croit beaucoup à ces échanges entre agriculteurs pour progresser, Adrien a contribué à créer le réseau Icosystème qui organise les 21 et 22 janvier 2020 les 2e Rencontres de l’ABC, l’Agriculture Biologique de Conservation. Deux jours entre agriculteurs, néophytes, en transition ou plus expérimentés, pour progresser ensemble et comparer leurs expériences concrètes de terrain. Pour s’inscrire : http://www.icosysteme.com/les-rencontres-abc-2020/

 

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