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« Les militants végans sont d’une redoutable efficacité »

15/10/2018

Actus Agricoles

3 questions à

Marie-Gabrielle MIOSSEC

Journaliste, auteur du hors-série de La France Agricole, « Réponses à ceux qui veulent abolir l’élevage »

 

Faut-il avoir peur des végans ?

La réponse est « non » si on s’en tient à leur nombre : aux alentours de 0,5 % en France, de 2 à 4 % si on y ajoute les végétariens. Le problème n’est pas le régime alimentaire (quoi que pour les enfants de moins de 18 ans, ce régime est dangereux : atteinte cérébrale ou psy). Le souci vient du prosélytisme des militants qui, en plus d’être végans, se disent antispécistes. Ils veulent l’arrêt de tout élevage qu’il soit bio ou pas, qu’il soit petit ou grand. Ces antispécistes considèrent qu’il y a une continuité entre l’homme et l’animal. Même, si selon les mots de Corine Pelluchon, philosophe et antispéciste, « l’égalité de prise en compte des intérêts des humains et des non humains n’implique pas une égalité de traitement ». Mais l’élevage est menacé : pour Brigitte Gothière qui copréside l’association abolitionniste L214 (1), « l'intérêt à vivre des animaux est supérieur à celui des humains de manger de la viande ». Et aujourd’hui, l’industrie agroalimentaire permet en apparence de compenser certains apports spécifiques de la viande dans le régime végan. L’action de L214 passe par les vidéos pour sensibiliser le public à la souffrance animale selon l’adage : ce qui n’est pas filmé ou photographié n’existe pas ! Mais aussi par la diffusion maximale des régimes végans sur la toile : la plupart des 60 salariés de L214 sont des spécialistes des réseaux sociaux. Et l’association a créé près d’une dizaine de sites sur le véganisme ou contre la consommation de viande.

Sont-ils à l’origine de l’occupation des abattoirs ou des caillassage de vitrines ?

Ce n’est pas L214 qui mène cette danse, même si l’association ne s’est pas désolidarisée clairement de ces actes. L’occupation des abattoirs est l’œuvre d’une association plus extrémiste : « 269 libération animale (2) » qui prône l’action directe et la désobéissance civile, voire la confrontation avec les forces de l’ordre. Sa cofondatrice française juge peu efficace de se contenter de faire le buzz autour du régime végan : « On parle de véganisme qui devient le régime à la mode mais pas des animaux ». Cette association est à l’origine des « nuits debout devant les abattoirs » tous les 26 septembre (26/9). Une autre association « Boucherie abolition » mène aussi des actions spectaculaires comme la « libération de lapins » à l’Inra de Toulouse ou les manifestations silencieuses avec animaux morts devant les boucheries pour dégouter la clientèle. Quant aux actes de vandalisme, tags et caillassages qui se multiplient contre les boucheries, charcuteries et fromageries, ils sont pour l’instant anonymes : ils semblent être l’œuvre de groupuscules. Jusqu’à preuve du contraire ils naitraient spontanément autour de ces actions commandos non revendiquées. Quoiqu’il en soit, la cause animale séduit de plus en plus de jeunes. Selon le philosophe Francis Wolff pour qui l’utopie animaliste est née d’une perte de repère, l’animal non humain est pour eux « la victime absolue ». Celle à la place de qui on peut parler sans risquer d’être contredit.

Quel est leur pouvoir de nuisance ?

La force du mouvement abolitionniste est dans son militantisme actif et diversifié, dans sa présence sur les réseaux sociaux, dans la place qu’ils occupent dans les médias grand public qui les accueillent avec une extrême bienveillance malgré des propos parfois extrémistes (l’abattage est meurtre, l’insémination un viol, les bâtiments des camps de concentration…).

Ils ont sensibilisé le public aux dérives de certains abattoirs, lieux peu connus du grand public, grâce à leurs vidéos et filmé illégalement quelques élevages défaillants. Ils arrivent à faire passer ces exceptions regrettables pour des généralités. Ils jouent sur la corde sensible du grand public qui, de plus en plus éloigné de la campagne, voit les animaux à travers le prisme des animaux de compagnie.

Ensuite ils ont affuté des arguments sur de vrais ou faux chiffres qui déstabilisent leurs interlocuteurs : ils parlent de 15 000 litres d’eau pour produire 1 kilo de viande là où l’Inra en calcule 750 litres. Ils exigent de convertir les hectares consacrés aux animaux à de la production d’alimentation humaine : pourtant les troupeaux valorisent des hectares qui, sans eux, retourneraient à la friche. Et seule une faible part de la surface consacrée occupée par les animaux est en concurrence avec l’alimentation humaine. Etc. Ils concentrent leurs attaques autour de la mort des animaux : face aux éleveurs qui disent aimer leurs animaux, ils objectent : alors pourquoi vous les tuez ? Quand on leur oppose la souffrance des éleveurs, ils compatissent. Et leur conseille aussitôt de changer de métier.

Pourtant, de plus en plus d’éleveurs qui leur font face, affutent de solides arguments sur la biodiversité liée à l’élevage, sur l’équilibre alimentaire ou encore sur les différences entre l’homme et l’animal. De plus, leurs attaques contre les boucheries ou charcuteries ouvrent les yeux du public : il ne s’agit pas seulement d’améliorer le bien-être des animaux d’élevage mais de les faire disparaître.

En revanche, tous les intervenants des débats le reconnaissent : les pratiques qui engendrent de la souffrance animale doivent disparaître à terme ou être limitées : caudectomie et limage des dents chez les porcelets, écornage des veaux, broyages des poussins... Toutes les cages sont contestées y compris par les associations welfaristes.

« La mode végan ne perdurera sans doute pas, souligne Francis Wolff. Mais l’intolérance de la société face aux signes extérieurs de la souffrance animale va progresser ». Avec ou sans réglementation européenne, ces mouvements vont faire bouger les pratiques d’élevage, la conception des bâtiments, les rapports de l’éleveur avec ses animaux.

 

(1) L214 : reprend le numéro de l’article du code rural qui depuis 1976 reconnait que l’animal est un être sensible

(2) 269 est le numéro d’un veau sauvé en Israël de l’abattoir par le créateur de l’association 269 Life qui a donné naissance à 269 Libération animale

 

Pour mieux comprendre :

Végans : ils ne mangent aucun aliment issu des animaux et refusent aussi tout produit qui en serait issu (miel mais aussi cuir, laine, soie).

Végétariens : ils ne mangent pas de viande ;

Abolitionnistes : ils veulent mettre fin au statut de propriété des « animaux non humains » et à leur utilisation. Ils veulent stopper toute exploitation des animaux, tout élevage.

Antispécistes : ils considèrent qu’il y a un continuum entre toutes les espèces. Ils réclament une égalité de considération des intérêts propres à chaque individu de chaque espèce.

Spécistes : ils établissent une frontière entre les humains et les animaux non humains. Les antispécistes les assimilent à des racistes ou à des esclavagistes vis-à-vis des animaux.

Sensibles : les animaux sont capables de ressentir des états mentaux comme la douleur et le plaisir, la souffrance et la satisfaction.

Sentience : mot anglo-saxon. L’animal est un être sentient, c’est-à-dire capable de ressentir des émotions, d’évaluer les actions des congénères ou des humains en relation avec eux. Ils mémorisent certaines de leurs actions et leurs conséquences, en évaluent les risques. Ils peuvent avoir des désirs et des objectifs qui concernent l’avenir. Au nom de cette sentience, les antispécistes demandent la fin de l’élevage. Selon d’autres chercheurs, l’existence de formes de conscience n’interdit pas l’élevage.

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