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« On m’a confié un terroir, je veux le transmettre »

16/10/2019

Portrait D'Avenir

Alors que les Parlementaires discutent de la loi de finances pour 2020, les acteurs du monde viticole réclament une baisse des droits de succession pour les transmissions familiales. Jean-Marie Bouldy fait partie des vignerons étranglés par ces droits (VOIR TÉMOIGNAGE VIDEO EN FIN D'ARTICLE).

« Il faut qu’il se passe quelque chose, que les politiques réagissent afin de garder un savoir-faire, un tissu local », exhorte Jean-Marie Bouldy, viticulteur bio en Pomerol. « Je n’ai pas été élevé dans l’argent. On m’a confié un terroir. Je le travaille avec bonheur et passion », assure le vigneron. A 61 ans, son devoir aujourd’hui est de transmettre cet héritage. Mais l’opération est quasiment impossible. Le prix du foncier est devenu prohibitif, déconnecté de la rentabilité de l’exploitation. Il a atteint plus de 1,5 million d’euros l’hectare ! 

« Quand on a beaucoup investi dans l’outil de production, on n’a pas d’argent pour payer les droits de succession. Faut-il que j’endette la société pour transmettre à mes enfants, au détriment de l’investissement futur dans l’entreprise et de la qualité du vin ? Ou que je vende à un investisseur qui produira un vin à la mode sans vision à long terme, au risque de voir les vins et les bénéfices exportés ? Je ne m’y résous pas. L’Etat a davantage intérêt à maintenir de petits vignerons qui paient des impôts, sont employeurs et vivent sur place ! », affirme Jean-Marie Bouldy. 

Une entreprise familiale

Château Bellegrave, c’est l’histoire d’une famille de bâtisseurs. Les grands-parents paternels s’installent en Gironde à la fin du XIXe siècle. Les grands-parents maternels arrivent quant à eux vers 1925. Cultivateurs originaires du Périgord et de Corrèze, ils investissent dans l’Entre-deux-Mers, où l’on fait du Bordeaux Supérieur. Héritiers de ces deux propriétés, les parents de Jean-Marie ont cherché un domaine plus renommé.

C’est ainsi qu’en 1951, ils achètent Château Bellegrave, moitié comptant, moitié en rente viagère. « Les prix n’avaient pas encore atteint les sommets d’aujourd’hui, mais c’était plus cher que d’où ils venaient », raconte Jean-Marie. 

Le couple débute avec 5,80 ha de Pomerol, « mais pas en très bon état » et entame de gros travaux. Le gel de février 1956 et l’obligation d’arracher tout le vignoble, ne les arrêtent pas. A force de courage, d’humilité et de travail, les premiers vins sortent en 1959. Les Bouldy ont façonné, agrandi leur propriété et contribué à donner un nouvel essor à l’appellation Pomerol.

Après trois ans comme aide familial, Jean-Marie reprend la propriété en fermage en 1980, rejoint par sa femme, Pascale en 1995. Petit-à-petit, le vigneron rachète les parts de ses deux frères, de 1990 à 2016. « Cette dernière étape a été plus difficile pour trouver un accord sur le prix », reconnaît Jean-Marie.
La prochaine étape, transmettre à la génération suivante sera encore plus compliquée. Alors, il redouble de travail, dans la vigne d’abord, en améliorant toujours sa conduite en agriculture biologique. Puis auprès de la clientèle. Après la crise de 1973, son père avait cessé de vendre son vin à un négociant pour reprendre la maîtrise de son produit et tout mettre en bouteille.

« Il a mis un panneau au bord de la route toute proche et vendu en direct. Pendant 20 ans, la production s’est ainsi vendue aux particuliers sur place ou sur commande », se souvient Jean-Marie. Dans les années 80, c’est devenu plus compliqué, les supermarchés ont développé l’offre de vin.
En 1986, Jean-Marie a pris son bâton de pèlerin et est parti démarcher à Paris. « Cela a été la galère pendant deux ans, le temps de trouver de nouveaux clients. Je partais une semaine par trimestre, je me présentais de restaurant en restaurant. J’étais souvent mal reçu. Jusqu’à ce matin de 1989 où je me suis retrouvé sur le pont face à la Tour d’Argent ». Malgré les trois Macarons au Michelin de ce prestigieux établissement, il tente le tout pour le tout et demande à rencontrer le sommelier. Sans rendez-vous, il se retrouve pourtant dans la mythique cave de la Tour et quinze jours après, il reçoit une commande de 120 bouteilles millésime 1985. 

A force de persévérance, il décroche d’autres restaurants étoilés. En 1991, le Chef Troisgros lui fait un autre cadeau : une commande de 24 bouteilles pour un repas de Chefs. « Tous sont devenus clients. C’était une bonne époque ». 

Le besoin de faire savoir

Mais une clientèle, de professionnels ou de particuliers, n’est jamais acquise même en Pomerol. Jean-Marie Bouldy consacre du temps à entretenir ce lien qu’il veut fort entre le producteur et le consommateur. Il va à la rencontre de ses clients deux fois par an. Beaucoup viennent aussi au Château. Jean-Marie vend enfin à Bordeaux en primeur ou livrable. « C’est un bon équilibre ».

Malgré tout, le Château Bellegrave, qui compte maintenant 11 ha souffre encore d’un déficit d’image dans ce milieu très concurrentiel. « Plein de choses se passent mais on ne sait pas toujours le faire savoir. Comme nous ne sommes pas dans les standards des classements, nous devons trouver ailleurs la reconnaissance du travail effectué, de la qualité du vin, de la passion du 
métier ».

Ses enfants, Aurélie et Jean-Baptiste, qui ont rejoint la propriété en 2014 et 2015, ont créé l’an dernier un site internet professionnel et viennent de suivre une formation sur l’utilisation des réseaux sociaux. Bientôt, ils mettront en avant la dernière innovation du Château : la cuvée Terre Précieuse, issue d’une fermentation en jarres. Un retour au goût originel des fruits.

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